I said I'd catch you if you fall (emma)

Toute sa vie avait tourné autour d'un but : réussir. La réussite était d'importance pour son bien-être psychique, pour être pleinement heureux. Malgré tout, le nouvellement PDG d'une grande banque, manquait cruellement d'un truc. D'un petit quelque chose qui n'était pas frappant au premier regard, mais qui manquait comme la dernière pièce d'un puzzle. Une pièce importante, surtout pour un individu approchant de la cinquantaine. Oh oui, il pouvait être fier de tout ce qui lui arrivait, d'avoir une jolie femme, un compte en banque qui lui assurerait une vie parfaite, une famille encore en vie et plutôt en bonne santé, la sienne aussi...Mais voilà. Cela s'arrêtait à cela. Il n'avait pas d'enfants dans le jardin de la belle demeure,pas de pleurs dans une chambre vide actuellement, pas de souvenirs, pas de longues heures à tenter de faire marcher sa progéniture ou lui appendre à rouler avec un cycle. Rien. Il n'avait pas ça. Pas la paternité, pas de progéniture, de descendance. Il commençait sérieusement à le sentir et sentir que sa branche, son côté à lui, ne vivra plus d'ici une trentaine d'années. La tristesse le consume quand il y pense, surtout depuis qu'il est encore plus sur de ne pouvoir être père, de manière définitive.

Adopté. Oui, une possibilité qu'il songe fortement maintenant. Mais sa femme ne semble guère pour. Dans le fond, il a du mal, même si adopté c'est bien, mais il aurait aimé procréer cet enfant. Il aurait aimé que son sang coule dans les veines d'un autre être. Mais cela n'était pas possible. Plus possible. De sa faute ? Celle d'Agathe ? Ils n'en savaient rien. La malchance, c'est tout. Toutefois...Une nouvelle. Un miracle, une lumière salvatrice qui était sorti de l'ombre. Une nouvelle certes qui l'avait mis dans un état...Mais au fond, qui était une bonne nouvelle. Une excellente même. Il était père. Oui, père ! Ce mot qui ne pensait jamais entendre pour le qualifier mais si. Il était père d'une grande fille ! Qui était ici, à Montréal. Il était passé par toutes les phases mais la joie était là. Joie qu'il n'avait cependant pas pu partager avec sa compagne. Elle l'aurait sans doute mal pris, surtout qu'elle vivait elle aussi, plutôt mal sa non fécondité. Il ne voulait pas l’affublé d'une déception en plus, surtout qu'il cumulait assez les bourdes comme ça, en la trompant presque de manière régulière...Alors non. Il continuait le mensonge, c'était plus simple.  

Le voilà, assis dans ce bar, le Austen. Un bar qu'il ne connaissait pas, puisqu'il venait d'ouvrir. Il sentait le myocarde au fond de sa poitrine faire des bonds monstrueux, les yeux braqués sur tous les visages qui passaient. A la recherche du tant convoité. Abigail lui avait dit qu'elle bossait ici. Sa fille. Ce mot résonnait étrangement mais d'une intonation belle et fleuri à la fois. Il était content mais apeuré à la fois. Pour le moment, il ne vit qu'un type au bar. Pas lui forcément. Il attend donc, patiemment. Il s'octroie un verre de bourbon avec glace, la boule au ventre. Il reçois quelques coups de fils, qu'il ignora dans un premier temps avant de finalement répondre. Il avait que ça à faire pour l'instant. La tant convoité Emma, n'était pas là pour le moment. Il fit donc ses petites affaires, avant de ne pas terminer sa phrase, voyant une jeune femme arriver au bar, passant derrière pour sans doute, poser ses affaires. Matthias fini par raccrocher, posant son téléphone sur le comptoir, à côté de son verre quasiment vide. Elle revient, la brunette. Il sait pas. Elle ne lui ressemble pas spécialement, du moins il en a pas l'impression. Comment l'aborder ? Bonne question. Il se passe une main dans la barbe, avant donc de la voir assez proche, prêt de l'évier pour nettoyer quelques verres il lui semble, et l'interpelle avec difficulté :
« Excusez moi ? Est-ce que...mmh vous pourriez m'en remettre un autre ? » Dégonflé qu'il est. Mais bon, il savait vraiment pas comment lui parler, lui demander si c'est elle, la fameuse Emma.

Lui qui était si sur de lui, d'ordinaire, qui n'avait aucun mal à aligner deux mots ensemble, faire des tournures sans pareil. Mais là, il était face à un tout autre problème et quel problème ! Il ne pensait pas un seul instant se retrouver aussi bredouille, imbécile face à cette femme, cette fameuse Emma. Cette fille qui était apparemment sienne. Quelque chose dont il n'avait pas un seul instant imaginé. Lui qui pensait ne pas pouvoir être père, deuil qu'il avait commencé à noyer depuis quelques semaines mais qui venait clairement de lui exploser en pleine face. Non, Abigail devait sans doute confondre, elle avait dû avoir cette jeune fille avec quelqu'un d'autres, autre que lui. Mais plus il la regardait, plus il trouvait des similitudes physique, des ressemblances avec les Duval. Du moins...il aurait pu en voir sur n'importe qui à l'heure actuelle, tellement il était content de savoir une telle chose. Il avait vraiment espoir que cette fille soit vraiment sienne. Il ne pourrait sans doute jamais rattraper le temps perdu, temps qu'il aurait bien passé à la connaître mais Abigail lui avait privé de ce droit. Il ne lui en voulait pas tant que cela dans le fond. Matthias n'avait envie que d'être père depuis quelques années seulement, pas plus. Il aurait su cela quand il était bien plus jeune, pas certain qu'il serait venu la voir. C'était même sur que non.

« Merci bien. » Lui lance-t-il en posant son regard sombre sur elle, la suivant donc du regard pendant qu'elle faisait son job, lui remplissant ainsi son verre. Il attrape le verre qu'elle lui pose sous le nez, la remerciant d'un petit sourire simple, dissimulé par sa barbe de quelques jours. Le brun prend donc une gorgée du bourbon que la barmaid lui a donc servi. Bien sur qu'il avait bien meilleur, qu'il pouvait avoir accès à des whiskys, des rhums et compagnie qui valait des fortunes maintenant. Mais il acquiesce finalement, quand elle revint vers lui. Il a pas manqué de voir qu'elle avait pris un cachet, ce qui le fit un peu tiquer :
«  Oui c'est parfait, vous avez bon goût, c'est certain » Petit menteur qu'il est. Bon, il était pas dégueulasse non plus, cela serait mentir. Il repose son verre, voyant qu'elle prenait une petite pause, que tous le monde semblaient être servis.
« La cohue du bar est éprouvante, à ce que je vois ? » Il fait bien sur allusion pour le cachet, en espérant qu'elle comprenne.
« Vous êtes ici depuis longtemps ? » Il sait pas trop s'il fait bien de dire cela, mais il fait tout son possible pour ne pas rompre le contact avec elle, même s'il se doutait bien qu'elle allait le prendre pour un relou qui voulait engager la conversation, peut-être la draguer. Doux jésus que non. Jamais de la vie. Pas avec ce qu'il savait.