#356 - Un Intrus différent ?

20h. Violet rentra du refuge animalier apaisée. Elle s’était contentée de n’aller qu’à seulement quelques heures au secondaire aujourd’hui et, même si ses professeurs lui ont de nombreuses fois rappelée que si elle continuait de sécher les cours, elle serait virée, cela ne l’inquiétait pas du tout. Au contraire. Elle ne trouvait aucun intérêt dans le fait d’aller étudier et elle n’appréciait aucun professeur. Elle espérait plutôt pouvoir réussir sa prochaine fugue et rentrer à Québec, au paradis de sa jeunesse. Le seul endroit qui réussissait à lui donner un semblant aperçu de ce dernier était le refuge animalier. Auprès des animaux et de la simplicité à laquelle ils arrivaient à la réconforter, elle se sentait bien. Enfin, vraiment chez elle. Etrangement ce passage au refuge lui devenait de plus en plus essentiel afin qu’elle ait la volonté et l’énergie de rentrer chez sa mère qui, pour le coup, était vraiment son domicile. Ce dernier n’en portait que le nom car Violet ne s’était jamais sentie chez elle, à aucun moment, et le nombre de personnes différentes chaque soir n’allait clairement pas l’aider. L’unique chose qu’espérait Violet à chaque fois qu’elle tournait la poignée de la porte d’entrée était que les personnes présentes ne seraient pas trop méchantes envers elle. C’était la seule chose qu’elle pouvait potentiellement espérer. Avant, dans les débuts, elle priait pour qu’il n’y ait que sa mère mais cela, elle avait du l’oublier. L’appartement n’était jamais vide. Jamais.

La jeune fille entra donc assez calme en repensant aux différents animaux qu’elle avait pu approcher et toucher. Elle n’énonça aucun « je suis de retour » ou juste « bonjour maman ». Rien du tout. Elle ignorait si sa mère était déjà rentrée de son travail et pour le coup, elle s’en fichait. Elle vit rapidement qu’il y avait un homme sur le canapé du salon et ne prit pas la peine de le saluer, lui non plus d’ailleurs. Violet commençait à avoir une réputation de fille énervée et pas intéressante auprès des drogués de sa mère. Certains avaient essayé de lui faire prendre de la drogue, sans succès. Depuis, il y avait une ambiance étouffante et la plupart du temps, Violet se réfugiait dans sa chambre, sans en sortir.

Aujourd’hui, Violet songea donc à faire la même chose. Elle baissa les yeux et ignora totalement l’homme sur le canapé, se focalisant uniquement sur sa cachette qui était presque à sa portée. Une fois presque devant elle, elle tiqua en observant que la porte était ouverte. En continuant d’avancer, Violet s’immobilisa. Quelqu’un était dans sa chambre. Un inconnu, certainement un drogué aussi qui ne semblait pas de beaucoup plus vieux qu’elle. Son sang ne fit qu’un tour, énervée de trouver quelqu’un dans sa cachette.

« QU’EST-CE QUE TU FICHES DANS MA CHAMBRE ?! »

Comment avait-il pu aller dans sa chambre ? Comment avait-il pu entrer dans sa cachette ? Violet n'en revenait pas. C'était la première fois. D'habitude les drogués se promenaient dans l'appartement et s'installaient sur le canapé en attendant que sa mère récupère ou donne sa drogue mais jamais encore quelqu'un était resté dans sa chambre à elle. Après tout, elle ne voulait rien avoir à faire avec eux et même sa mère l'avait compris. Violet lui avait assez répété qu'elle ne voulait pas qu'ils entrent dans sa chambre et qu'elle ne comptait pas leurs parler. Sa mère ne le lui avait jamais reproché. Après tout, elle n'avait pas demandé l'avis de sa fille pour changer de vie et devenir une droguée. Alors, si sa fille ne voulait pas adhérer à ce mode de vie et être sympa, cela n'avait strictement aucune importance pour elle.

Mais ce soir, c'était différent. Un jeune homme était bien là, dans sa chambre à elle. Il était allongé sur le lit avec son ordi, une bière et des chips dans ses mains. Littéralement hors d'elle, elle n'avait pas pu s'empêcher de crier. Le squatteur sacra et la dévisagea avant de répondre sans aucune gêne que cela se voyait ce qu’il était en train de faire. La rage de la jeune fille amplifia. Pour qui se prenait-il ? Il violait son havre de paix et en plus il avait l'air de ne pas s'en soucier du tout. Enragée, Violet avança dans sa chambre, manqua de se tordre la cheville à cause de l'une des chaussures du jeune homme qu'il avait certainement balancée dans la pièce pour se mettre sur le lit et fonça vers lui. Elle récupéra l’ordinateur et le ferma en sentant des gouttes de bière et des miettes de chips se poser sur sa main. Instinctivement elle s’éloigna rapidement du jeune homme, en gardant contre elle l’ordinateur, comme un bouclier.

« T’as rien à faire dans ma chambre ! Les drogués sont au salon ! »

Violet était à la fois énervée et légèrement apeurée. Elle dégageait une certaine force et pourtant elle savait que les drogués pouvaient être incontrôlables, violents et surtout imprévisibles. Violet ne quitta pas du regard le squatteur encore énervée avant de regarder très succinctement le cadre photo présent juste à côté de son lit. Le petit rectangle en bois comprenait une photo de sa mère et d’elle à Québec lorsqu’elle avait 6 ans, à l’époque où tout était beau dans la vie de la jeune fille. Comment sa mère avait-elle pu gâcher autant sa vie et la transformer en cauchemar ? Violet replongea de nouveau son regard vers le jeune homme, guettant sa réaction.