"Tu devrais avoir honte ! Tu m'abandonnes, moi qui te suis si fidèle et qui porte ton enfant, en plus !". Elle était là, étalée de tout son long sur le lit conjugal. Les cheveux en bataille, un sourire stupide sur le bout des lèvres malgré l'air faussement dramatique qu'elle tentait de se donner. William lâcha un léger rire, alors qu'il sortait de la salle de bain, cherchant un sweet dans le petit dressing de leur chambre. Il trouva le vêtement qu'il cherchait et, juste avant de l'enfiler, il admira son épouse quelques secondes, la faisant un peu rougir. Même après toutes ces années, il continuait à la regarder comme si elle était la huitième merveille du monde. Même lorsqu'elle n'était pas coiffée ou maquillée, vêtue d'un vieux pyjama loin d'être glamour. Il était beau lui aussi, torse-nu, sortant de la douche, son parfum délicieux flottant dans l'air. Franchement désirable. Mais il allait l'abandonner pour la soirée et ça ne plaisait absolument pas à la blonde.
"T'es pas dans l'excès toi, hein !", se moqua-t-il, finissant par enfiler son sweet, brisant la jolie vue que sa femme avait sur son torse bien dessiné. Elle lâcha un petit rire avant d'attraper l'un des coussins qui traînait sur le lit défait et de lui balancer à la figure. Il l'esquiva sans aucun mal et enfila une paire de chaussures.
"Non, mais sérieux... j'vais m'ennuyer moi ! Et j'peux même pas picoler pour oublier !". Elle râlait, mais au fond, elle respectait le fait qu'il passe la soirée avec ses vieux copains. Astrid avait pleinement confiance en son homme, comme lui avait confiance en elle lorsqu'elle sortait avec ses copines. Seulement voilà, depuis qu'elle était enceinte, c'était plus compliqué pour elle de supporter ses sorties avec ses copines. Elle n'allait pas en faire tout un drame, parce que c'était tout récent, mais tout de même, elle aimait râler.
"Tu devrais inviter Kat, ça fait longtemps que tu l'as pas vue !". Astrid ouvrit la bouche, prête à répliquer, mais... elle n'avait rien à redire. Will venait d'avoir une superbe idée. Ça faisait un bail qu'elle n'avait pas vu Kat. Certes, les deux amies s'étaient échangées plusieurs messages depuis leur dernière rencontre, mais avec les emplois du temps de chacune, elles n'avaient su trouver de moment pour se voir vraiment.
"Mais c'est que t'es pas si bête que ça, finalement !". Evidemment, il éclata de rire, avant de se jeter sur elle, pour venir mettre encore plus de bordel dans sa chevelure blonde. Elle se mit à rire, tentant de se débattre, avant de finalement abandonner. Il lui offrit un baiser pour se faire pardonner et quelques minutes plus tard, elle le suivait dans l'entrée, alors qu'il enfilait sa veste et attrapait les clefs de sa voiture.
"Par contre, si tu veux pas que Kat flippe et se taille en courant, va prendre une douche !". Elle lui frappa l'épaule, il l'embrassa et sortit de la maison de ville dont ils étaient les heureux propriétaires depuis quelques mois.
"L'enfoiré !", pesta-t-elle, avant d'attraper son téléphone.
"Kaaaaaaaat, ramène ta fraise, j'ai des chips et les codes du compte Netflix de la voisine !". Bon, son message n'était pas des plus fins, mais elle savait que y avait franchement moyen que son amie soit intéressée par la proposition. Après quelques minutes et quelques messages échangés, le rendez-vous était fixé et alors que le soleil se couchait peu à peu sur Montréal, Astrid écouta les conseils de son époux et prit une bonne douche. Elle enfila un t-shirt très simple accompagné d'une paire de jeans qui l'était tout autant et prépara quelques bols de chips et autres trucs pas franchement diététique en attendant l'arrivée de son amie. C'était fou de constater à quel point leur amitié avait pu transgresser le temps et les épreuves de la vie. Elle revoyait encore la rouquine, alors qu'elle n'était que des enfants, installée à côté d'elle dans la salle de classe. Elle se souvenait encore des histoires loufoques qu'elles inventaient dans la cabane dans le jardin des Austen. Elle avait encore en tête le débriefing qu'elle lui avait fait après qu'elle ait embrassé Mike sous le grand chêne derrière l'école ou encore des détails qu'elle avait pu lui donner, quelques années plus tard, sur sa première expérience sexuelle. Elle se souvenait du couple que Kat formait avec Sam et de sa joie lorsqu'ils lui avaient annoncé qu'ils étaient fiancés.
"Tu seras officiellement l'une des notre", lui avait-elle dit, touchée. Au fond, elle avait toujours été l'une des leurs, mariage ou non... Et puis, y avait eu le décès de Jim et la fuite de Sam. La fausse couche de Kat et ce chagrin qui les avait tous assommés. Pourtant, là, dans la noirceur de l'instant, leur amitié s'était solidifiée et finalement, elles avaient un peu sorti la tête de l'eau. Ensemble. Toujours. Même après tant de larmes versées et tant de colère retenue.
Pas franchement patiente, la blonde commençait à tourner en rond et alors que des pas se faisaient entendre sur les marches du petit perron de la maison, Astrid se précipita sur la porte d'entrée pour l'ouvrir, avant même que la pauvre Kat n'appuie sur la sonnette.
"Putain, t'en as mis du temps !", lâcha-t-elle, attrapant vivement le bras de son amie pour la faire entrer dans la maison.
"Il caille vachement !", continua-t-elle avant de claquer la porte derrière elles.
"Bon, j'espère que t'as ramené de quoi bouffer, parce que j'ai la dalle !". Du Astrid tout craché. Enfin, depuis qu'elle était enceinte, c'était bien pire. La nourriture était devenue sa meilleure amie... Et elle avait conscience qu'à ce train là, tout son entourage finirait par se poser des questions. Peut-être que cette soirée était l'occasion idéale pour annoncer à son amie sa grossesse ? Elle ne savait pas trop, finalement...