Son arrivée à Montréal, Alessia l’avait préparée pendant de longues semaines. Gabriella et elle s’étaient mises d’accord il y a déjà un moment qu’elles débarqueraient ensemble au Canada, et qu’elles feraient tout leur possible pour retrouver rapidement Isaac. Mais pour Alessia, c’était aussi le bon moment pour se changer les idées, pour peut-être commencer une nouvelle vie, rencontrer de nouvelles personnes, faire de nouvelles expériences, vivre tant qu’elle en avait encore la possibilité.
Elle ne savait pas si elle vivrait longtemps, d’après le médecin ça pouvait être une histoire de deux ans, de dix ans ou de cinquante ans, ça dépendait surtout de la régularité de ses visites chez le docteur, de sa prise de médicaments et de son mode de vie. Elle devait apprendre à manger sainement, à s’occuper correctement d’elle, et à vivre sans trop de fioritures, mais les fioritures, c’était la marque de fabrique d’Alessia. Elle voulait bien faire des efforts mais il y avait des limites…
Evidemment, Alessia n’avait encore rien dit à Gabi sur sa situation, d’ailleurs elle n’en avait parlé à personne, sinon à sa meilleure amie qui avait donc décidé de la suivre à Montréal. Elle avait fait passer ça pour une simple envie de découvrir le monde et de sortir de son Italie natale. Et ce midi, il y avait une première chose qu’Alessia rêvait de faire, alors qu’elle n’était arrivée que depuis trois jours dans le pays.
Elle avait souvent entendu parler de merveilleux endroits à visiter, de l’accent si particulier des québécois, elle qui avait également appris le français, l’anglais et l’espagnol quand elle habitait en Italie, elle comprenait cette histoire d’accent. Elle savait qu’elle aussi, tant quand elle parlait français qu’anglais ou espagnol, elle avait un accent italien à couper au couteau et puis, il y avait les gestes des mains qui ne trompaient personne. Oui, Alessia était italienne et elle l’assumait parfaitement. Mais elle avait aussi, et surtout, entendu parler de la poutine, ce plat typiquement canadien dont elle ne savait rien du tout. Elle était persuadée qu’il y avait des frites là-dedans, alors c’était forcément quelque chose de très bon. Elle avait donc décidé qu’aujourd’hui, elle voulait tester la poutine.
Elle avait cherché dans son guide le meilleur endroit pour déguster ce met, et s’était rendue au restaurant « la banquise », endroit qui lui semblait tout à fait charmant. Elle s’était installée, avait commandé, et quand elle avait reçu son plat, sa surprise avait été… intense.
Mais… Mais c’est quoi ça ?
Elle était toute seule devant son plat, un énorme truc plein de frites, de sauce et d’autres choses non-identifiées qui ne lui faisaient clairement pas envie. Mais où était passée la gastronomie italienne avec ses mets fins et délicats ?