Elles étaient arrivées à Montréal depuis trois jours maintenant, trois jours qui leur avait permis de s’installer lentement mais sûrement. Mais une chose était certaine : Alessia et Gabriella n’étaient pas là, à la base, pour faire du tourisme et se plaire dans un joli quartier. Non, à la base, elles étaient là pour ramener leur frère Isaac à la maison. Elles devaient le ramener en Italie. Alessia n’oubliait évidemment pas leur mission, et leur oncle était là pour la leur rappeler bien sûr, mais pur être honnête, la jeune fille comprenait que son frère se plaise ici. Non seulement il n’avait pas la pression parentale, mais en plus la vie était plutôt agréable ici, de ce qu’elle avait pu en voir jusque maintenant. Les sœurs Rossi avaient prévu de passer au club qui appartenait à leur frère. Elles avaient la chance d’avoir un oncle particulièrement fouineur, qui avait vraiment envie apparemment de voir son neveu revenir dans le pays de ses origines, et du coup, il avait effectué une enquête très poussée pour le retrouver, et il avait fini par obtenir tout un tas d’informations sur la nouvelle vie d’Isaac. Depuis six années, il avait eu le temps de se construire une véritable vie solide sur place, avec un logement, une amoureuse et un boulot, dans un club qui lui appartenait.
Alessia et Gabriella s’étaient données rendez-vous à dix-neuf heures au Luxore, qui était la boite de nuit dont leur frère était le propriétaire. Alessia crevait d’envie de voir son frère, elle avait attendu ça toute la journée, tournant en rond dans son loft, cherchant des photos dans son tiroir, s’amusant en se remémorant de vieux souvenirs qui lui arrachaient un grand sourire à chaque fois, puis elle faisait un autre truc et elle se rappelait de quelque chose d’autre. Elle était sortie, elle avait cherché un dernier colocataire, elle était allée découvrir le centre-ville, était déjà passée une ou deux fois devant le Luxore en essayant de deviner le style de l’endroit. Finalement, elle avait avalé quelque chose sur le pouce, avait passée quarante-cinq minutes dans sa chambre pour trouver la bonne tenue pour revoir son frère après six longues années, et pour terminer, elle avait quitté le loft pour rejoindre sa sœur dans le centre-ville. Elles s’étaient données rendez-vous devant la boite de nuit, et Alessia sentait une boule dans le ventre. Elle ne savait pas comment leur frère allait réagir à leur présence, et elle ne savait pas s’il accepterait de les voir. Mais il ne pouvait pas résister à ses petites sœurs, si ? Finalement arrivée devant le Luxore, la jeune femme attendit, les mains profondément enfouies dans les poches de son manteau rouge et long, que sa sœur arrive, et c’est assez vite qu’elle l’aperçut.
Ah te voilà ! Oh mon Dieu je suis tellement nerveuse ! Et s’il ne veut pas nous voir ?
Mais malgré tout, elle avait très envie d’entrer, très envie de découvrir la nouvelle vie d’Isaac et de voir à quoi il ressemblait aujourd’hui.
BACK IN TIME @Alessia Rossi & @gabriella rossi & @isaac rossiAs cold as stone, they march in darkness Enslaving the young and killing their fathers But soon they'll know the path they've chosen Has carved their fate in stone. In blood and tears, a thousand times.
Une soirée de plus, une soirée de plus à crever sur place, à me poser milles-et-unes questions. Les journalistes sont arrivés en ville, ils ont rattrapé le fantôme. Comment ? Je n’en ai pas la moindre idée. J’avais reçu une lettre officielle de la famille quelques semaines plus tôt, ils savaient où j’étais, cette famille que j’ai abandonnée, que je fuis. Mais ils n’étaient pas encore arrivés, peut-être qu’ils vont abandonnés la partie, me laisser voler de mes propres ailes ? Le fils héritier n’est plus à la hauteur de leurs attentes, sûrement. Tant mieux. Je préfère vivre ici, je préfère continuer à exister en silence, me faire passer pour cet orphelin que je ne suis pas. Kat et Juliette savent aujourd’hui la vérité, ils savent qui je suis vraiment. J’ai pris la décision de quitter Kat, demandant à Juliette un peu de temps pour trouver le bon moment, le bon timing. Mais la peur, elle est là, bien enfuie, bien planquée. Dire aurevoir à une relation de quatre années ce n’est pas rien, ce n’est pas facile, je ne vais pas mentir. Mon cœur est pris en étaux mais ne bat que pour la blonde, il soupire pour la rousse. Je ne peux pas continuer ainsi.
Planqué dans mon bureau, je regarde l’écran de mon ordinateur en réservant les billets d’avion pour moi et Kat. Un weekend rien qu’à nous, un weekend loin de cette merde pour me faire oublier, pour nous faire oublier. Du moins, c’est ce que j’espère, c’est ce que je tente de me persuader depuis trop de jours. Passant une main dans mes cheveux, je fronce les sourcils quand j’entends mon talkiewalkie résonner près de moi, signe qu’un de mes employés tente de me contacter. Une voix résonne. « Bosse, y’a deux filles qui veulent vous voir. Elles…elles disent qu’elles sont vos sœurs. Gabriella et Alessia Rossi. » Mon cœur cesse brusquement de tambouriner, je me lève à une vitesse folle et me plante devant la grande vitre opaque. Rapidement, mes iris cherchent dans la foule le serveur en question et là, j’ai l’impression de faire une chute de dix mètres. Au loin, je vois clairement l’arrogante Gabriella et la douce Alessia. Merde ! « Bosse ? » La voix résonne de nouveau et je sursaute, appuyant sur le bouton de l’appareil pour donner mes instructions. Je dois absolument me reprendre, je dois absolument me bouger.
« Fais-les monter. » Dis-je en prenant un ton assuré bien qu’au fond, c’est un carnage total qui me ronge de l’intérieur. Rapidement, je me replace derrière mon bureau, bois d’une traite le reste de mon verre de whisky et prend une grande inspiration. Déjà, j’entends des bruits de pas dans les escaliers qui mènent à mon bureau et le sorteur ouvrir la porte pour laisser entrer deux ravissantes créatures princières. Deux princesses d’Italie, pas étonnant que les journalistes aient rappliqués ici… Mon cœur s’emballe, mes iris passent d’une à l’autre et je n’ose pas spécialement bouger. Six ans…six années se sont écoulées depuis que j’avais quitté l’Italie. Elles ont changé, moi aussi, mais nous avons pris des chemins tellement différents. « Alessia…Gabriella…Je ne m’attenais pas à vous voir ici. » Dis-je en faisant signe au sorteur qu’il peut refermer la porte et nous laisser, qu’il n’y avait pas de dangers. Quoi que, vu le regard de Gabriella, je ne suis pas certain de sortir indemne de cette conversation…Là où ma sœur avait toujours été une tigresse, Alessia, elle, a toujours été plus douce, plus tendre et encore aujourd’hui ça se lit sur son si beau visage. Elles m’ont manquées.
Alessia était à la fois enthousiaste et terriblement nerveuse à l’idée de retrouver son frère, surtout après toutes ces années. Elle savait parfaitement que Gabriella était plus dure, plus rancunière qu’elle quant au départ de leur ainé. Elle savait que sa sœur n’avait qu’un seul but en débarquant à Montréal : ramener Isaac le plus vite possible chez eux, en Italie, et faire en sorte qu’il suive le destin qui était le sien. Son ainée avait déjà un destin qui était forgé, elle était fiancée à un homme très gentil et elle n’était ici que pour faire ce que leurs parents leur avaient demandé. Alessia, depuis la découverte de sa maladie, elle voyait les choses de manière complètement différente. Pour elle, Montréal pouvait représenter un nouveau départ, même s’il fallait bien reconnaitre qu’elle avait un peu peur de la solitude qu’elle ressentait dans cette nouvelle ville. Mais pour le moment, sa mission c’était de revoir son frère, et éventuellement de le ramener au pays avec sa sœur et leur oncle. Elle voulait surtout l’écouter, entendre ce qu’il avait à dire après ces six longues années. Quand elle entendit la réaction de sa sœur, Alessia comprit vite qu’elle ne comptait pas lui laisser le moindre choix. Il allait rentrer, point barre.
D’accord, t’as raison, entrons, on verra ce que ça donnera.
Oui, elles verraient bien. Une fois pénétrées à l’intérieur du club, Alessia fut surprise par l’ambiance qu’elle y trouva. Elle n’avait jamais réellement fréquenté ce genre d’endroits, préférant de très loin le calme relatif d’un bar le soir. Elle aimait boire des coups avec ses amis tout en discutant autour d’un jeu de fléchettes, ce qui était loin d’être l’ambiance qu’elle retrouvait ici. Un videur était rapidement venu se placer devant elle, et elles durent justifier leur présence sur place en annonçant qu’elles voulaient voir le patron, Isaac Rossi. Le videur sembla ne pas les croire, et il fit appel à son patron. Alessia entendit vaguement la voix de son frère, mais pas assez distinctement que pour être sûre que c’était bien lui. Finalement, elle entendit le gorille leur annoncer qu’elles pouvaient monter, et ils montèrent ensemble un escalier qui résonnait quelque peu. Un immense sourire illumina son visage lorsqu’elle pénétra dans le bureau pour trouver Isaac derrière son bureau. Gabi n’eut pas du tout la même réaction, mais Alessia ne put s’empêcher de sauter au cou de son frère pour le saluer.
Isaac ! Oh mon dieu tu m’as tellement manqué !
Elle le câlina un bref moment avant de se reculer pour le regarder. Il avait l’air plus vieux, plus sérieux, plus professionnel, ça lui donnait une carrure presqu’impressionnante alors que c’était toujours cet italien gringalet qui la faisait tellement rire avant.
Oh, tu as l’air tellement sérieux derrière ton bureau. Un véritable homme d’affaires !
Alessia tourna le regard vers son ainée, pour essayer d’attirer une réaction de sa part, mais elle savait que Gabi serait beaucoup plus virulente, et pas nécessairement agréable à l’égard de leur grand frère. Elle lui en voulait tellement d’être parti.