L’Italie, douce terre natale, pays de mon enfance, de ma naissance. L’avoir quitté pour suivre ma meilleure amie fut sans doute l’une des choses des plus difficiles que j’ai eu à faire dans ma courte existence. Même quitter mon fiancé, le laisser, là-bas était plus simple pour moi. Je ne saurais vraiment expliquer pourquoi. J’avais simplement besoin d’air, d’espace, de voyager, de m’aérer la tête, de fuir ce mariage à préparer. Simplement recommencer une nouvelle vie. Ici, tout est propice à cela. Personne ne me connaît, personne ne sait qui est la famille Ricci, personne ne se retourne sur moi dans la rue : ‘c’est elle, elle a perdu sa mère’. Personne ne sait que je suis fiancée non plus, et je ressens un étrange soulagement à cette idée. Je ne sais pas vraiment si c’est une bonne idée de ne rien dire à personne et de revendiquer une liberté sentimentale que je n’ai pas vraiment. Tout est compliqué, beaucoup trop. Cette nuit, j’ai vrillé. Ça ne fait que quelques jours que je suis là, et visiblement, je commence à connaître le bar du centre ville par coeur. Ça en devient presque puéril, moi, Andrea Ricci, à traîner dans un bar en espérant me faire remarquer, juste pour oublier, pour m’oublier et que les autres eux ne m’oublient pas. C’est pas facile. Ma famille me manque, il n’y a qu’Alessia ici et c’est vraiment pas simple.
Mon corps s’extirpe des bras de Morphée non sans difficulté et je gémis un peu. C’est jamais simple, les lendemains. Heureusement que je fais plus rien de ma vie, je me contente de vivre, simplement, comme je l’entend et c’est bien suffisant. Mon bras s’aventure dans mon lit afin d’y trouver mon téléphone dernier cri, cadeau de noël. C’est mal de dormir avec son téléphone, mais à quoi bon, si c’est pas lui qui nous tuera, ça sera quelqu’un, autre chose, alors ça sert à rien de se prendre la tête. Je soupire en regardant l’heure, il est quinze heures de l’après-midi et je n’ai rien foutu, encore. Je ronchonne un peu en parlant toute seule avant de me lever pour fondre sous la douche bouillante. Il fait froid par ici c’est insupportable. Je reste de longues minutes sous la douche, peut-être même plus d’une demie-heure avant de prendre le courage de sortir. Je m’habille simplement, me maquille, bref, tout un tas de choses que font la plupart des filles les matins. Je suis pas originale comme fille, je vous l’assure.
Mon téléphone, encore et toujours, et ma cigarette au bec, j’attrape mon sac et de quoi grignoter sur la route. J’ai besoin de voir Alessia. Besoin, envie, j’en sais rien, mais je m’ennuie sérieusement, et j’ai pas pu la voir hier. Après tout, c’est pour elle que je suis dans ce pays, c’est elle que j’ai suivi, elle et sa maladie. C’est pas facile à encaisser, de savoir qu’elle risque de mourir prématurée. C’était la moindre des choses, profiter d’elle, tant que je le peux encore. Je ne sais pas ce que je ferai sans elle. Je préfère ne pas trop y penser. J’écrase ma cigarette à côté d’une poubelle que je trouve sur le chemin, et débarque devant sa porte toute pimpante. On habite le même quartier, ça aide, pas besoin du vélo. Je dois avoir une mine épouvantable malgré le maquillage, mais peu importe, elle a déjà vu pire. Je frappe chez elle comme une folle, ça pourrait faire peur, mais c’est mon signe ça. Je frappe d’une certaine façon, depuis des années, c’était un code secret à l’époque des toilettes des filles. N’importe quoi. En attendant, sa marche, puisque son visage d’ange est face à moi. « Lissaaaaaaaaaa, mon ange. » Je lui offre un immense sourire avant de l’attraper pour la serrer contre moi, c’est pour ça que je suis là après tout.
Débarquer dans une nouvelle ville ça faisait peur, surtout quand on ne la connaissait qu’à travers les livres et les guides touristiques qu’on avait pu lire. Mais découvrir une nouvelle ville avec sa meilleure amie, ça faisait un tout petit peu moins peur. Alessia avait débarqué seulement quelques jours plus tôt à Montréal, avec la volonté farouche de ramener son frère au pays, mais aussi la volonté plus violente encore de découvrir le monde, de faire ce qu’elle n’avait jamais pu, ou voulu faire. Avant de découvrir sa maladie, la jeune fille se disait qu’elle avait toute la vie devant elle. Pas de quoi s’inquiéter, elle avait la jeune vingtaine, elle était belle comme un cœur, elle pouvait avoir tous les hommes d’Italie à ses pieds et en plus de ça, son rang faisait qu’elle était courtisée par les plus beaux partis du pays. Seulement voilà, quand on apprend à seulement vingt ans qu’on est atteint d’une maladie du cœur, qui pourrait nous faire perdre la vie aussi rapidement qu’elle était venue, ça a de quoi remettre vos perspectives en avant. De nouvelle priorités, et petit à petit, la jeune fille qui avait toujours été tellement pieuse, tellement obéissante envers ses parents, avait commencé à avoir d’autres envies, d’autres besoins. Ça avait commencé par ce saut en parachute qu’elle leur avait supplié de laisser faire, elle avait ensuite décidé qu’elle ne voulait plus vivre dans le château familial, elle était partie à la découverte de ce pays dans lequel elle vivait mais qu’elle connaissait si mal, et maintenant la voici à l’assaut du monde. Le fait de ramener son frère n’avait été qu’une vague excuse employée pour pouvoir partir sans éveiller les soupçons. Mais finalement, elle se disait que c’était lui qui avait eu raison de partir et de vivre loin du faste mondain de cette vie qui ne ressemblait à aucune autre.
Deux jours sans Andrea, et elle avait l’impression que son monde était dépeuplé. Elle avait elle aussi besoin de la voir, et avait d’ailleurs prévu de passer la voir dans l’après-midi. Mais ça, c’était sans compter sur la rapidité de sa meilleure amie, qui avait apparemment eu la même idée qu’elle. Elles se complétaient bien toutes les deux, elles se comprenaient à merveille, elles se connaissaient par cœur. Alessia disait souvent qu’Andrea, c’était sa sœur d’une autre maman, cette fille qui pouvait comprendre la moindre de ses émotions, le moindre de ses regards. Elles étaient sans nul doute des âmes sœurs. Ces coups frappés dans la porte de son loft, Alessia les reconnut immédiatement. Elle se dirigea en sautillant légèrement vers la porte et l’ouvrit en s’écriant :
Ma chériiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie !
Et elles se jetèrent dans les bras l’une de l’autre, parce qu’elles étaient comme ça, parce qu’elles s’étaient manquées alors qu’elles n’étaient restées qu’une journée sans se voir. L’amour, le pur, le vrai, c’était ça. Les garçons, c’était surtout pour le côté pratique, mais son grand amour, c’était son amitié avec Andrea.
Entre entre, les colocataires sont tous dehors.
La chance de vivre avec quatre colocataires, c’est qu’il y avait souvent quelqu’un à la maison, mais ici la vie n’était pas comme en Italie, et les gens ne restaient pas beaucoup chez eux.
C’est fou comme parfois les amis deviennent la famille. C’est exactement ce qu’il se passe pour moi et Alessia, et je n’ose imaginer ma vie sans elle. Ce n’est pas n’importe quelle amie qui aurait pu me faire déménager à Montréal, mais elle est bien plus que cela. À l’annonce de sa maladie cardiaque, j’ai d’abord eu un moment de doute, d’incompréhension, de peur à l’idée de la perdre. Finalement, je préfère me concentrer sur le positif entre nous, c’est bien mieux ainsi. Il ne se passe d’ordinaire pas une seule journée sans que nous nous voyions alors deux jours, autant dire, que j’ai l’impression de devenir complètement folle. C’est assez incroyable mais c’est pourtant vrai et il n’y a qu’à en juger mon état ce matin… ou cet après-midi. J’ai besoin de la voir, et je n’hésite pas une seconde de plus une fois que je suis prête. Je quitte mon appartement à la hâte pour prendre la direction de celui de ma meilleure amie.
Un rituel enfantin qui est resté à l’âge adulte, celui de toquer d’une certaine manière aux portes. C’est peut-être puéril mais n’empêche qu’au moins, je sais qu’Alessia sait de qui il s’agit et que ce n’est pas un de ses colocataires qui va m’ouvrir. J’en ai rencontré quelques uns, et ils sont plutôt gentils mais je dois avouer que c’est toujours étrange de savoir Alessia vivre avec des colocataires. C’est une princesse quand même… à moins qu’ils soient ses serviteurs. Enfin peu importe, la voilà maintenant face à moi et nous nous jetons dans les bras l’une de l’autre comme des gosses qui ne se sont pas vus depuis des années. C’est un peu ça, des années lumières même. Après tout, le temps est plutôt subjectif. Elle m’indique que ses colocataires sont dehors et je ne peux m’empêcher de sourire à nouveau en me décalant d’elle. « Trop trop bien, on va pouvoir être tranquille. » La brune ne tarde pas à m’inviter à rentrer et je ne me fais pas plus désirer davantage. Je referme la porte derrière moi en lui souriant toujours, et retire mon manteau ainsi que mes bottes. Autant il fait froid dehors, autant à l’intérieur, c’est de suite plus agréable. Je me sens comme chez moi ici mais j’ose pas trop m’aventurer alors je reste plantée là comme une idiote. « Comment ça va? Plus jamais on se voit plus comme ça, j’ai eu l’impression de mourir, stop. » Je ris doucement avant de lui lancer un léger clin d’oeil. Mon ventre gargouille, j’ai la dalle malgré ma barre de céréale grignotée sur le chemin. Je vais pas réclamer, ça se fait pas trop alors je me contente de faire une petite moue pour m’excuser envers elle. « Trop heureuse de te voir. T’arrives à te remettre du jetlag? » Moi pas vraiment. Tu m’étonnes que j’vis la nuit… enfin non, c’est pas d’excuse.
Alessia n’avait jamais été très loin d’Andrea, elles étaient inséparables, les meilleures amies du monde. D’ailleurs en Italie, chez elles, il n’était pas rare qu’elle entende des gens demander sur leur passage si elles étaient ensemble, elle les entendait dire que ce n’était pas normal que deux fille s’entendent aussi bien, mais elle n’avait jamais fait attention à ce genre de remarque, parce que pour être honnête elle s’en foutait complètement. La jeune femme sourit de bon cœur quand elle entendit des coups frappés dans sa porte, des coups tellement caractéristiques de sa meilleure amie. Une sorte de code qu’elles avaient acquis avec les années, un code qui datait de l’époque où elles se tenaient la porte dans les toilettes de leur école. Et elle était d’autant plus contente de savoir qu’elle soit là qu’aucun de ses colocataires n’était présent pour le moment, ce qui allait leur donner l’occasion de discuter de tout et de rien en bouffant de la glace et en buvant de l’alcool.
Oh oui, mais viens viens. Je suis tellement contente que tu sois venue, tu vas voir, l’endroit est absolument superbe quoi !
Alessia avait acheté ce loft sans pouvoir le visiter. Elle n’allait tout de même pas se déplacer de Rome à Montréal juste pour venir visiter un loft, mais elle avait fait confiance à la meilleure agence immobilière de la ville, elle avait fait confiance aux photos qu’elle avait vue, à la vidéo qui avait été réalisée par l’agent immobilier, et finalement elle n’était pas du tout déçue parce que l’endroit était parfait. Et en plus, elle lui avait trouvé des colocataires, comme prévu dans le contrat, et Alessia était ravie des personnes avec qui elle vivait. Bien entendu, pour le moment elle faisait connaissance avec eux, elle apprenait à les connaitre, mais elle ne doutait pas que certains d’entre eux deviendraient des amis proches. Andrea lui demanda rapidement comment elle allait et Alessia lui sourit. Elle se dirigea vers la cuisine ouverte et lui répondit :
Oh ça va, la forme. Je cours d’un coin à l’autre de la ville mais j’adore déjà. J’ai l’impression d’être libre, tu vois. Mais t’as raison, c’est un enfer de rester deux jours sans te voir !
La belle ouvrit le frigo pour sortir quelques bouteilles et quand son amie lui demanda comment elle se remettait du jetlag, Alessia éclata de rire :
Oh tu parles, je vis la moitié de la nuit, ça rend complètement dingues les colocs. Mais tout doucement je me mets dans le rythme, ça va aller. Et toi alors, tu résistes ?
La brune haussa un sourcil quand elle entendit le grognement de l’estomac de son amie, un grognement pas du tout discret. Une nouvelle fois elle éclata de rire.
Bon, viens choisir ce que tu veux boire, et on va commander de la bouffe. T’as envie de quoi ?
Alessia, c’était une amoureuse de la bouffe, elle avait déjà testé trois restaurants en trois jours, elle voulait connaitre tout ce qu’il y avait dans les environs, même si l’envie d’apprendre à faire à manger était là. Mais un jour, peut-être, quand elle serait moins fatiguée.
Alessia, c’est ce genre de personne avec qui je voudrais passer le plus clair de mon temps, ce genre là même que je suivrai jusqu’au bout du monde. Ce que j’ai fait. Je tiens à elle comme à la prunelle que mes yeux, bien plus qu’une amie, plus encore qu’une meilleure amie, le lien qui nous unit est bien plus fort que cela. Deux jours sans se voir était inimaginable et pourtant nous voilà là. Nous sommes heureuse de nous voir, et elle ne tarde pas à me le faire remarquer. J’affiche un immense sourire en rentrant dans son loft, il est magnifique, c’est quand même fou. J’aurai pu en acheter un également, c’est pas les moyens qui manquent mais je crois que je préfère voir ce que ça fait d’être comme les autres. Le changement, c’est maintenant. « Je vois, tu te sens libre. Profite de ton anonymat ici, franchement ça peut pas te faire de mal! Profite-en pour tester des choses illicites. » Je ris un peu et lui demande si elle arrive à se remettre du jet lag. Je la suis partout, et je la regarde sortir des bouteilles en riant. Elle m’indique qu’elle vit la nuit, que ses colocs sont dingues, mais que ça passe. Quand elle me retourne la question je ne peux pas m’empêcher d’exploser de rire à nouveau. « Ouais, enfin, j’suis toujours en Europe dans ma tête et je suis sortie. J’ai testé un bar, il est carrément cool, faut qu’on y aille ensemble la prochaine fois! » Je continue de sourire doucement. Mon ventre ne tarde pas à gronder et j’ai carrément la honte. J’aime pas réclamer mais je dois l’avouer, je meurs de faim et j’ai quasiment rien manger depuis hier soir… une foutue barre de céréale, c’est pas ça qui va remplir mon estomac. Alessia semble se moquer un peu de moi, et me demande ce que je veux boire avant de m’indiquer qu’on va commander de la nourriture. Je sautille sur place et viens plaquer un doux baiser sur sa joue pour la remercier. « Oh mon dieu je t’aime toi, tu le sais ça ? » Je ris un peu. « Pour la boisson, j’te suis. Pour la nourriture… je sais pas, t’as envie de quoi toi? Moi j’ai juste envie de manger, on prend un truc étrange? J’ai bien envie de tenter des expériences là. » Je ne peux m’empêcher de rire à nouveau. J’ai toujours été ainsi avec Alessia. Souriante, pleine de vie et tout un tas de choses encore. Elle est véritablement celle avec qui je peux être moi-même au plus naturel et je ne pourrai jamais assez la remercier pour ça. « Tes colocs, ça va, ils sont cool? » Je souris de nouveau. Vivre en colocation, j’y avais pensé, mais je crois que j’ai peur de tomber sur des incapables. Ce genre de colocataire que tu as envie de mettre à la porte dès que tu croises sa tête. Et puis, un peu de liberté, ça fait pas de mal après tout.
Andrea, sa meilleure amie, passer du temps avec elle était devenu primordial, surtout qu’elle était la seule au courant de sa situation. Même si elles n’en parlaient pas réellement toutes les deux, elle savait que si quelque chose devait lui arriver, Andrea serait la première qu’elle appellerait, la première qu’elle contacterait pour venir à son secours, mais heureusement, pour le moment elle n’avait pas encore eu à le faire. Alessia était ravie de pouvoir profiter un peu de la présence de sa meilleure amie car elles n’avaient pas encore eu le temps de le faire depuis leur arrivée au Canada. Toutes les deux avaient été prises par leur installation, elles avaient profité de chaque instant pour s’installer et découvrir la ville chacune de leur côté, et Alessia était allée voir son frère avec Gabriella dès le deuxième jour de leur présence ici, mais maintenant elle ressentait vraiment le besoin de partager ces premiers moments avec Andrea, comme elles le faisaient tellement souvent dès qu’un nouveau truc leur arrivait.
Oh mon Dieu, si ma mère t’entendait, elle te jetterait en-dehors de chez elle. Mais comme elle est loin et qu’on est chez moi, t’as raison. On devrait faire une liste de choses à tester absolument !
Elle éclata de rire en se disant qu’elle se comportait comme une gamine qui n’avait jamais eu l’occasion de rien faire de sa vie, mais c’était un peu le cas. En Italie, le moindre de ses faits et gestes était épié par des tas de journalistes, des cameramen, des gardes du corps et autres chauffeurs qui étaient payés pour la surveiller. Ici, elle n’était évidemment pas venue seule mais elle parvenait à se débrouiller pour que personne ne la suive partout. Plus de chauffeur, elle apprenait à se déplacer grâce aux transports en commun et elle faisait beaucoup de vélo ou se déplaçait à pied. Un grand changement pour la princesse qu’elle était, et ce n’était pas si facile que ça de s’habituer à un manque évident de luxe.
Ah mais totalement ! Pour le moment je n’ai fait qu’une ou deux sorties, rien de grandiose, mais il faudra carrément qu’on teste des endroits ensemble. Il parait qu’il y a un bar à cocktails absolument génial pas loin !
Les cocktails, c’était toute sa vie, elle adorait ça et elle pouvait mourir en testant tous les cocktails d’un bar la même nuit. Il y avait toujours un moment où ça foirait, forcément, mais Alessia avait les sorties dans le sang, elle adorait ça et elle ne demandait qu’à découvrir tous les endroits branchés de la ville. D’ailleurs en parlant de ça, elle se rendit vite compte que sa meilleure amie avait l’air de mourir de faim, ce qui lui arracha un profond éclat de rire. Elles adoraient manger toutes les deux, et en entendant le grondement de son ventre, la belle se dirigea vers le frigo où elle avait affiché les menus à livrer de tous les restaurants des environs, et elle les déposa tous sur la table du salon.
Et voilà tous les restaurants pas trop éloignés. Il y a du chinois, du japonais, du français, du thaï et il y a aussi une pizzeria et un restaurant cent pour cent canadien, je l’ai pas encore testé, ça fait carrément peur, mais je suis prête à tenter l’expérience.
Le menu avait l’air étrange à souhait, mais elle était prête à tenter le coup, elle était là pour ça. Alessia prit une bouteille de rosé dans le frigo, en versa dans deux verres puis revint au salon avec les deux verres, du rosé italien bien sûr !
Mes colocs sont absolument adorables, j’ai de la chance. Il y a deux garçons et deux filles, et tu vas rire mais on vient tous de pays différents. C’est un truc de dingue, les accents qui chantent dans le loft, c’est de la folie.
Elle avait trouvé ça dingue et elle ne le regrettait pas du tout tant ça apportait de la joie dans le loft.
Tu m’étonnes qu’Alessia se sente libre ici. Loin des paparazzis, loin de ses obligations familiales… elle fait bien ce qu’elle veut, ou presque. Ça doit lui changer d’être moins dépendante des autres tout autant que ça doit lui faire bizarre. Elle a toujours eu l’habitude d’une protection présente, sans doute trop intense d’ailleurs mais elle ne s’est jamais retrouvée seule face à elle même à devoir se débrouiller. Ici, elle est maîtresse d’elle-même et ça change. Je n’hésite pas à lui dire d’en profiter pour tester une tonne de choses, même illicites. Ce à quoi elle répond que sa mère me mettrait dehors si elle m’entendrait, mais que j’ai raison et qu’on doit faire une liste. « C’est vrai mais là elle m’entend pas ! Par contre une liste, carrément, je suis partante. » Nous éclatons de rire ensemble. J’ai l’impression d’être de retour au pays de l’insouciance et de ne plus avoir à me prendre la tête et ça fait du bien. Je sors, je profite de la ville et de ma liberté moi aussi. Loin de ce mariage annoncé… j’en profite pour proposer à ma meilleure amie d’aller boire un verre dans le bar que je convoite bientôt, et elle me propose même un bar à cocktails. J’écarquille les yeux en mode ‘waou’ parce que les cocktails, j’adore ça et je sais très bien que c’est aussi son cas. Mojito, piña colada ou les choses plus étranges, je ne suis jamais contre les découvertes. « Ouais, faut qu’on y aille! » Je lui offre un léger sourire. Pour l’heure, ce n’est pas notre soif que nous avons à satisfaire mais ma faim et nous allons commander à manger. Je n’ai pas vraiment d’idée alors je demande ce qu’elle veut en précisant que je suis dans mon tempérament à tester des nouvelles choses et à faire des expériences. J’aimerai tenter la gastronomie moléculaire un jour… faut aller dans un resto pour ça mais pourquoi pas plus tard ! « Hmmm, peut-être le resto à fond canadien ? Si ça fait peur, je veux trop tester ça attend. » Je me penche vers la table du salon pour attraper le menu de ce même restaurant. C’est bizarre… Poutine ? J’en ai même pas encore mangé une depuis que je suis ici. Je ne manque pas de demander à Alessia si ses colocs sont cool. Elle m’annonce qu’ils viennent de pays différents, mixte, et que les accents sont ouf. Je souris de nouveau et attrape mon verre de rosé italien qu’elle me tend. Retour au pays! « Ah ouais… j’avais hésité à me mettre en coloc, ou carrément m’installer avec Ezio. Mais flemme d’être sociable. » Je ris un peu de ma bêtise et hausse les épaules. Ezio est mon frère aîné et si nous nous entendons très bien, je ne pourrai jamais vivre avec lui. J’ai dormi chez lui le premier soir et c’était un peu le bordel. Enfin… il est pas souvent là quand même à cause de son boulot. Au final je me serai retrouvée seule la journée et même la nuit, dans un endroit qui m’appartient pas alors quitte à être seule, autant me faire un nid douillet. « Bref, on s’en fou, c’est pas tes colocs que je vais manger là! On part sur ce restau alors? On tente la poutine? Genre… on en prend une pour deux et on prend d’autres trucs… queue de castor? C’est quoi ce bordel? » J’explose de rire à nouveau. Ils sont vraiment étranges quand même ces canadiens. Je bois une nouvelle gorgée de mon verre de rosé avant d’annoncer à ma meilleure amie qu’il est vraiment délicieux. Je suis vraiment heureuse d’être ici… c’est comme prendre un bol d’air. Un véritable refuge.
Les deux jeunes filles se connaissaient depuis tellement longtemps, elles s’adoraient, et Alessia considérait même Andrea comme son âme sœur, persuadée que si elle ne trouvait pas de copain digne de ce nom c’est parce qu’aucun n’arrivait à la hauteur de sa douce meilleure amie, de son Andrea. Alessia était ravie que sa meilleure amie ait décidé de l’accompagner, même si elle savait que c’était davantage pour la surveiller qu’autre chose, mais aussi parce qu’elles ne pouvaient rien faire l’une sans l’autre, elles étaient inséparables, et même si elles ne vivaient pas sous le même toit pour le moment, ça ne les empêchait pas de pouvoir se voir aussi souvent que possible. Andrea proposait d’ores et déjà de préparer une liste de choses qu’elles pourraient faire et expérimenter maintenant qu’elles n’étaient plus sous la surveillance de leurs riches parents. Bon, Alessia avait toujours sa sœur et son oncle qui veilleraient à ce qu’elle ne fasse pas de conneries, mais elle s’en fichait, elle pouvait échapper à leur surveillance comme elle pouvait. Par contre, les journalistes qui la suivaient partout, c’était une autre histoire.
Sur la liste, on doit absolument mettre le saut en parachute. Je rêve de faire un saut en parachute. Et tester un restaurant dans le noir, ça doit être le pied.
Alessia elle avait décidé de vivre, car c’était ce qu’elle faisait de mieux de toute façon. Mais pour l’heure, elles avaient plutôt envie de manger et c’est donc avec un petit a priori que la jeune femme proposa notamment un restaurant cent pour cent canadien, ce qui avait le don de lui faire peur parce que soyons clairs, par rapport à la cuisine de son pays, aux gouts délicats qu’on pouvait y trouver, elle avait peur de subir un véritable choc des papilles. Et pas en bien. Alessia attrapa le menu et commença à le scanner de son regard d’italienne avec un léger sourire de temps en temps, ou une grimace de dégout en lisant des descriptions parfois. Franchement, ça lui faisait peur, mais elle crevait d’envie d’essayer.
Va pour le resto canadien. Mais jte préviens, on vomit dans les toilettes hein !
Les deux italiennes qu’elles étaient avaient certainement l’air ridicule, mais elle assumait complètement. Après tout, Alessia débarquait complètement dans ce pays, elle n’avait pas encore osé se risquer à la gastronomie d’ici, et Andrea n’avait pas encore osé sociabiliser. D’ailleurs, elle lui avoua sans détour qu’elle préférait de loin vivre toute seule plutôt que de se retrouver avec des inconnus, ou même avec son grand frère qui habitait pourtant en ville. Mais force était de constater que sa meilleure amie avait besoin d’un peu de solitude, et pour ça elle avait opté pour la solution de vivre toute seule. Alessia, au contraire, préférait de loin voir plein de gens chez elle quand elle rentrait.
Oh je comprends. Mais je t’avoue que c’est plutôt cool de voir plein de gens à la maison quand je rentre. Ca met de la vie, c’est agréable.
Alessia éclata de rire en pensant aux deux ou trois soirs où elle était rentrée ici, et où tout le monde était là, chacun parlait, on apprenait à faire connaissance, c’était cool. Mais Andrea décréta qu’elle avait faim et que les colocataires ne la nourriraient pas, alors elles devaient commander le repas. Alessia jeta un œil et fit une grimace à l’annonce des mots « queue de castor ».
OK, va pour la poutine, mais la queue de castor tu m‘oublies, aucune chance que je bouffe ça. On peut prendre un ou deux trucs genre… normaux. De la viande tu vois.
Elle avait juste envie d’un repas normal mais elle se demandait si c’était possible dans ce pays.