Victoria Archer - lost and found

Un beau jour de printemps, tu es débarquée. Alors que ta mère hurlait de douleur, que les contractions étaient de plus en plus intense, tu commençais tout juste à montrer le bout de ton crâne. Les infirmières l'encouragent. Ton père l’encouragent. Elle n’est pas seule pour affronter cette épreuve. Pourtant, chaque fois qu’elle te racontent cette histoire, tu as l’impression que cela représente l’épreuve la plus difficile et la plus horrible qu’elle n’est jamais eu l’occasion de vivre. Cependant, chaque fois, elle ajoute que tu es son petit miracle. Elle dit être la femme la plus heureuse de posséder une petite fille comme toi et elle fait tout pour que tu le sache. Bien entendu, ton père également, il t’aime. Ce n’est qu’un amour différent, un amour subtile. Tu le vois quand il te regarde, il ne parvient pas à démontrer ces sentiments. Tu peux bien comprendre, il est un homme. De ce que tu sais, les hommes ne montrent guère les émotions, refusant de paraître faible. Du moins, c’est ce que lui te montre. Pour les autres, tu n’en sais rien. Tu es bien trop jeune pour porter le moindre intérêt au sexe opposé. Au-lieu de cela, tu te contente de passer beaucoup de temps auprès de ta mère, à jouer, à apprendre et à grandir. Après son accouchement, elle n’a jamais repris le travail. Elle préférait rester à la maison auprès de toi Vicky. Elle aimait ta compagnie et aimait te voir progresser un peu plus chaque jour. Tu étais sa perle rare, son miracle. Mots qu’elle répétait tous les jours, au minimum. Ce n’est que plus tard que tu as compris pourquoi. Les médecins lui avait annoncé, peu avant ton arrivée, qu’elle ne pourra jamais avoir d’enfant. Son système ne pouvait offrir suffisamment de nutriment et d’énergie pour elle et un petit bébé. Elle envisageait l’adoption, ou même une mère porteuse. Tout lui semblait possible, aussi longtemps qu’elle pouvait fonder sa propre famille. Puis, du jour au lendemain, un test positif. Tu étais là, dans son ventre, à attendre que les mois s’écoulent pour rendre une famille heureuse comme jamais. Quand bien même les médecins ont tentés de la décourager, de la convaincre d’avorter, elle n’a jamais pu s’y résoudre. Par chance, sinon tu n’aurais pas fais ton entrée dans ce monde.

Les années ont passés. Tu as grandis, tu as vieillis. Tu es devenue une jolie jeune femme, à la longue chevelure et au regard perçant. Tu en as conscience, mais tu n’abuse pas. Au contraire. L’amour s’avère être une chose précieuse, selon toi. Tu ne peux le chercher à tous les coins de rues. Tu ne peux le provoquer. Un jour, une rencontre viendra chambouler ton existence toute entière. Et ce jour, tu sauras qu’il est le bon. Qu’il est le prince charmant destiné à faire de toi la plus heureuse et comblée des femmes de ce monde. Car oui, derrière ces airs hautain et prétentieux que tu affiches, tu es une demoiselle à la conquête de son prince. Tu as le coeur sur la main et tu es pourvu d’une douceur surprenante. Tu ne fais que dissimuler ce côté de toi, craignant de paraître trop fragile, trop facile à atteindre. Ce qui t’a valu quelques problèmes au courant des études de journalisme. Il faut l’avouer, tu n’avais pas la meilleure attitude pour approcher les gens et poser des questions. Tu donnais plutôt l’impression de te foutre un peu de tout, ce qui n’était guère le cas. Tu trouvais un certain plaisir, une certaine fierté dans ce métier. Simple, mais efficace. Ne demandant pas un grand nombre d’étude ni de concentration trop imposante. En plus de combiner cela avec quelque chose qui te passionne, l’art. Même que tu ignorais que cette spécialisation existait avant de démarrer tes études. Journaliste artistique. Tu aimes bien ce titre, ce poste et ce qui s’y attache. Visiter des expositions, parler avec des artistes en tout genre. Cela venait augmenter ton envie de faire partie de ce monde, de réaliser un rêve secret. L’écriture d’un roman. Toutefois, là n’est pas la question. Tu te souviens d’une exposition en particulier, en 2015. C’était l’une des premières fois que tu te présentais seule, que tu allais affronter l’artiste seule. Tu étais nerveuse comme jamais auparavant. Même que tu en avais honte. Au-lieu de faire la femme forte, tu es partie te dissimuler dans les toilettes des femmes, cherchant à retrouver un minimum de calme avant de sortir. Ce qui te surpris à ce moment, la présence d’un homme. Oui, un homme. Il était là, seul, à fumer. Tu n’as jamais vraiment compris pourquoi il était là, mais tu n’as jamais vraiment chercher à comprendre non plus. Au-lieu de cela, tu as succombée à son charme naturel, mais surtout, à son accent français. Tu l’as reconnu facilement après avoir étudiée ce langage durant tes études. D’un simple regard, il semblait frôler la perfection. Charmant, imposant et mystérieux. Tu avais envie d’en apprendre plus à son sujet, et ce, sans même connaître son prénom. C’est ainsi que votre histoire a commencé. Tu es tombée amoureuse de lui sans t’y attendre, sans pouvoir le prévoir. Il était ton prince charmant, tu en étais convaincu. Il était l’homme idéal pour toi. Tu étais prête à beaucoup pour lui. La preuve. Cela ne prit pas énormément de temps avant que tu ne déménages chez lui, à Montréal. Ainsi, tu pouvais le voir aussi souvent que tu le voulais et il n’avait plus besoin de faire les aller-retour entre New-York et Montréal. Puis, tu l’aimes, plus que tout. Alors, cela te semblait être la suite logique des choses.

Quatre ans. Voilà le temps que tu as passée auprès de cet homme, de Camille. Heureuse comme jamais, malgré les hauts et les bas. Malgré les incompréhensions, les tensions et les discussions fortes. Tu l’aimais. Votre relation était peut-être comme des montagnes russes éternels, mais tu parvenais à trouver ton confort à l’intérieur. Il restait un homme charmant, ne montrant jamais de violence envers toi. Ce qui n’est pas le cas de la vaisselle ou de certains meubles. Après tout, tu n’étais pas facile à vivre, avec ton caractère, avec ton attitude. Il était courageux d’avoir tenu aussi longtemps. Toutefois, il y a quelque mois, une nouvelle a tombée sur ta tête, réduisant à néant cette belle histoire. Après plusieurs jours de nausées, de sensation étrange au sein de ton corps, tu as effectuée un test de grossesse. Positif. Tu es enceinte de lui. Il a acheté un bague. Que se passe t-il… Tu l’ignores. La seule chose que tu sais, tout va trop vite. Tu as l’impression de ne plus pouvoir respirer, de ne plus pouvoir être libre. Sur un coup de tête épouvantable, tu as pris la fuite. Un mardi matin, tu as franchis discrètement la porte du duplex, laissant un post-it comme explication. Tu lui dis ne pas pouvoir rester, le suppliant de ne pas t’en vouloir. Tu as honte, mais tu ne peux faire autrement. Fuir, te semble être la seule solution. Pourtant, tu garde ce bébé. La simple idée de devoir tuer ce petit être, qui provient de l’homme que tu aimes, te rends terriblement triste. Tu te prends en main, autant que possible, modifiant ton alimentation, modifiant tes habitudes de vies afin d’offrir le meilleur environnement à ce petit être. Tu es suivi, tu effectue les examens nécessaires. Jusqu’à maintenant, tout semble aller pour le mieux. Toutefois, tu as été incapable de découvrir le sexe de ce bébé toute seule. Tu as demandée au médecin d’inscrire le résultat sur une lettre que tu allais ouvrir en compagnie du papa de ce bébé. Gardant ainsi la surprise pour vous deux. Le problème… Tu ignores s’il va accepter de te reprendre au sein de sa vie. Ou du moins, d’accepter ce bébé comme le sien. Ce qui s’avère être la seule chose que tu espère. Toi, tu peux vivre sans lui, tu peux refaire ta vie en dépit la douleur et les remords. Mais, cet enfant n’a pas besoin de vivre avec tes mauvaises décisions passées.