morning work. (wylan)

Un nouveau jour sur lève sur la ville de Montréal, celle-là qui est si chère à son coeur. Même si parfois ce n'est pas toujours des bons souvenirs qui l'ont accompagné, cela reste néanmoins des expériences de vie qui ont fait ce qu'elle est aujourd'hui, Audrey. C'est-à-dire une éternelle optimiste déterminée à porter ses convictions à voix haute. Car après tout, l'Homme n'est rien s'il ne respecte pas lui-même ses propres valeurs. C'est aussi dans une optique de rester fidèle à soi-même qu'il tenait à coeur à la brune de monter sa propre affaire, un établissement en adéquation avec ses opinions. Oh, elle n'a pas toujours été comme ça, il faut l'avouer. Il fut un temps où on pouvait l'assimiler à un vulgaire pantin, une marionnette dont on pouvait tirer facilement les ficelles comme bon nous semble. Influençable, aveuglée par l'amour aussi. Mais soit, c'était avant. Une autre vie. Une autre Audrey. Elle a bien changé depuis les années et cela est passé avant tout par l'affirmation de soi. C'est donc un sourire sincère aux lèvres qu'elle se retrouvait chaque jour derrière le comptoir, à jongler parfois entre la caisse et la cuisine. La pâtisserie a toujours été sa plus grande passion, au détriment parfois de son corps de rêve. Mais elle était ravie de proposer aux Montréalais quelques unes de ses créations et même des grands classiques re-visités dans un régime alimentaire vegan comme les éclairs au chocolat ou les babas au rhum.

Dans la cuisine, accessible par le comptoir, Audrey munit de son tablier sortait tout juste du four ses dernières pâtisseries destinées à la vente : des délicieux muffins pomme et banane. Maladroitement, son avant bras toucha une partie de la plaque pendant qu'elle en retira les gâteaux. Un sifflement de douleur sortit instinctivement de sa bouche. Miss Catastrophe, ils auraient du l'appeler. Passant son bras sous l'eau gelée pendant un petit moment, elle entendit sa meilleure amie et associée s'impatienter à la caisse : "Alors ces muffins ? Le monsieur attend." Audrey levait un coup les yeux au ciel. "Et bien, il attendra encore." Marmonnait sans qu'ils ne l'attendent tout en s'essuyant le bras à l'aide d'un chiffon. Se dépêchant alors de disposer les muffins sous une cloche, la pâtissière sortit de sa tanière pour les apporter au comptoir. "Et voilà. Excusez le retard, la cuisine est un métier dangereux." Mettait-elle en évidence son avant-bras rouge, encore un peu douloureux. Ca s'estompera. Relevant la tête vers le client, elle émit un léger mouvement de recul en reconnaissant ces traits de visage. "Vous ?" Se surprenait-elle à questionner à voix haute. "Je ne pensais pas que vous étiez adepte de ce genre de gâteaux." Ajoutait-elle pour se rattraper.

C'était le projet de toute une vie. Un projet porté par son coeur. Le projet d'une amitié aussi. Car sans Lily et sa volonté redoutable qui les poussait dans leurs retranchements, la jeune pâtissière n'en serait pas là au jour d'aujourd'hui. Derrière son plan de travail, le tablier passé autour de son cou et accroché derrière sa taille, ses mains poudrées trahissaient un type de farine sans gluten qu'elle ajoute dans sa préparation. Quel bonheur de pouvoir réaliser chaque jour ce qu'on apprécie de faire le plus. Les deux intérêts pour la demoiselle sont d'une part la cuisine et la volonté d'aider son prochain. Le coeur sur la main, prêt à le tendre peut-être trop facilement à ceux qui semblent avoir besoin d'un peu de gentillesse. Les expressions de son visage ne la rendait pas mauvaise, loin de là. Livre ouvert, ses traits faisait remonter la pureté de ses intentions. Fondamentalement de bonne humeur, sa cuisine s'animait avec la musique lancée à partir de son ordinateur et transférée sur les enceintes du reste du café. Ses hanches se mouvaient au rythme des notes et quelques pas s'enchaînaient. Dansant à travers la pièce, déposant ses plats d'un endroit à un autre. Seule dans ses fourneaux, il n'était pas rare qu'Audrey pousse la chansonnette en même temps. "Don't let me go- oh !" Se mélangeait-elle à la voix de la musique, toujours plus forte dans son antre que dans le reste dans la pièce principale, où ce n'était qu'un bruit de fond. Un sentiment d’apesanteur s''appropriait tout son être. Peut-être est-ce ça que l'on ressent finalement quand on atteint l'épanouissement personnel ?

Face à cet homme à la chevelure aussi sombre que l'est son regard, un léger sourire ne pouvait s'empêcher de s'étirer sur le coin de ses lèvres. Elle n'avait pas oublié ces quelques moments passés en sa compagnie lors du gala en faveur de l'association pour les animaux, ni même les gestes et les mots tendres qu'il avait eu à son égare. "Et oui, je ne fais pas les choses à moitié vous savez." Haussait-elle les épaules en faisant référence à sa mésaventure avec une plaque brûlante. Sa peau continuait à chauffer par la même occasion, mais renflouant sa douleur, ce n'était pas ça qui allait l’abattre. Dotée d'une fabuleuse résilience, la jeune femme connaissait la peur et la douleur avec un père autoritaire et parfois violent. L'ambiance à la maison n'était pas aussi folle. Et même si elle avait pu s'en échapper, aujourd'hui encore, elle vit avec le regret d'avoir laissé ses petites soeurs livrées à elle-même avec ce patriarche. Mais tout aussi pragmatique qu'elle fût déterminée, Audrey avait su se faufiler vers la réussite. Une indépendance durement gagnée, ce qui la rend encore plus satisfaisante encore. Déposant alors son plateau avec sa commande sur la table à laquelle il était installée, elle ajoutait simplement un "régalez-vous bien" pour conclure. Mais, à sa plus grande surprise, il la retient en lui proposant audacieusement de s'installer avec lui le temps d'une pause. Elle l'observait un instant sans rien dire, venant attraper sa lèvre inférieure entre ses dents, hésitante. "Ca me plairait bien mais..." S'arrêtait-elle un instant en surprenant non loin Lily, sa meilleure amie et associée. Celle-là même qui récupérait des déchets laissées par les clients précédents sur une table, simplement pour épier leur conversation. Dans un mime, elle lui fit plein de gestes en lui articulant silencieusement un "vas y !". La demoiselle retenait un léger rire, d'autant plus quand le brun s'empressait de regarder dans la même direction, choppant sa meilleure amie en pleine action et qui repartit à ses occupations tout aussitôt s'être faite surprendre. Reportant son attention sur lui, son regard avait le don de la déstabiliser. "J'ai bien cinq-dix minutes." Acquiesçait-elle en tirant la chaise en face pour s'y installer. Il était rare les moments de pause, toujours à fond dans sa journée. Des journées qui commencent le plus souvent à six heures le matin, pour que les pâtisseries soient toutes chaudes pour les premiers clients.

A son air taquin, Audrey pouffait un rire en secouant la tête. "Et bien, non je dois l'avouer." Était-elle honnête, en baissant les yeux sans savoir trop où  regarder. "Mais après tout, je peux bien me tromper. Je me suis bien trompée quand j'ai cru que vous m'enverrez un message." Lâchait-elle dans une légère pique, sans pour autant être agressive. Juste histoire de déterminer ses intentions. Levant un regard vers lui, elle observait sa manière de réagir. Mais Lily vint interrompre un instant leur tête à tête, en déposant une serviette remplie de morceaux de glaces. "Tiens, passes toi ça. Pas douée, va." Lançait-elle avait de s’éclipser à nouveau pour servir des clients qui arrivaient.