NAOFEL HADAD - plus rien est grave

A l'heure où les autres rêvent encore, Naofel quitte son studio.
Dans la nuit, quelques fêtards, de vieilles bouteilles, le retour d'une stéréo. Emmitouflé dans son manteau, Nao allume son téléphone, se reconnecte aux gens.  
Sur l'avenue du parc il y a le Milton B, une espèce de cafeteria urbaine que Fel fréquente avec assiduité – depuis quelques semaines seulement - Posté devant l'entrée, il patiente, termine sa cigarette et l'écrase dans le cendrier portable prévu à cet effet. Il s'agit en vérité d'une vieille boite à cafés recouverte d'autocollants qu'Arnaud lui a confectionné. Un DIY sentimental, puisqu'il a pris soin d'y accoler un stickers des Canadiens de Montréal juste à côté de la langue des Rolling Stones. Nao s'y accroche comme s'il s'agissait de la dernière paire de Louboutin. Connerie de sentiments.
Il entre. À l'intérieur l'air est chaud, presque brûlant. Il reconnaît entre deux noctambules la silhouette masculine qui l'attend.  Arnaud justement, le bel Arnaud, accoler au mur du fond. Ils s’étreignent et Fel inspire un instant son haleine menthe à l'eau.
- Je ne t'attendais plus. Il pousse dans sa direction une tasse de ce qui semble être une infusion et poursuit devant son air dubitatif. Tu bois trop de café Nao, je me contente de prendre les devants.
Arnaud, Fel le connaît depuis un mois seulement. Ils se sont rencontrés ici même, à l'opposé de la table qu'ils occupent aujourd'hui. Même heure, même jour. c'était un samedi soir chaotique, de boulot pour l'un et d'abus pour l'autre. L'étudiant c'est écrasé sur sa table comme dans sa vie et Naofel n'a pu que l'accepté, sidéré par son sourire, son aplomb, sa beauté.
Ce mec tomber à point nommé, il envahi son espace et ses pensées.. Il l'agrippe d'une risette et le garde en otage avec un cendrier, des post-it glissés dans ses poches et maintenant, un verre de thé.
- Tu finis de plus en plus tard non ? Le musicien ricane, encadre la tasse de ses grandes mains. Et toi alors ? Tu ne veilles pas un peu trop ? Il est quoi ? 3h ? qu'est-ce qu'un étudiant fait debout à cette heure ?
- je t'attendais. Fel se laisse glisser contre sa chaise et tente d'ignorer le volcan qui s'enrage dans son bas ventre. Moi aussi, comme quoi tu vois.
Comme quoi.
Ce qu'il y a de beau, de nouveau avec Arnaud, c'est qu'à deux, ils refont le monde. Ils parlent de la pluie, du beau temps sans routine ni ennui. Ils abordent tout les sujets, surtout ceux que Naofel déteste affronter.
- Je rentre de soirée et tu sais, j'ai demandé à ce que l'on passe certains de tes morceaux. Le musicien avale une gorgée du liquide brûlant, attend la sentence qui il le sait ne va pas tarder à tomber. Ils ont vraiment kiffé. On m'a même demandé ton insta, je le leur ai filé. y'a leurs regards qui se croisent, le temps qui ralenti et le monde qui passe en slow-motion.
Avec ses rétines, Nao photographie l'instant.
Tu me fais marcher, je le sais. Sur la table, son téléphone est ouvert sur la page en question.
Il ne lui en veut même pas.
Ni pour ça, ni pour les mensonges qu'il sert parfois. Comme cette fois où il a fait semblant d'avoir croisé la silhouette de son père au détour d'une ruelle. Beau, tout comme toi. Son visage criait ton nom, de manque et de détresse, je te raconte même pas..
Il veut bien faire Arnaud, même s'il ne comprend pas toujours pourquoi.
Ce qu'il fait là.
avec son sourire.
Sa dégaine.
Et ses cernes sous les yeux.
Depuis un mois.
Un mois c'est quoi ?
30, 31 jours ? Comment se fait il qu'ils en soient déjà là ? à se bouffer du regard sans être passer par la case baiser et corps à corps ?
Fel, je te parle. T'es avec moi ou pas ? Cette main qui s’agite sous son visage, Naofel l'attrape entre ses doigts. Arrête, je ne fais que ça, tu le vois bien.
Tomber comme un con, pour presque rien.
Il ne fait que ça.