Drinking Like I'm Sober | Stella

« Okay, okay. Je bois celui-là, et toi tu vas voir la fille. Tu dois obtenir son numéro, rappelle-toi ! » taquine, Stella avait presque des allures de collégienne, avec ce sourire rayonnant qui cachait bien des maux. L'alcool ce soir, elle l'avalait comme un délicieux sirop : ça lui faisait tourner la tête, ça l’enivrait jusqu'à toucher le Paradis. Un procédé pour gérer les choses plus facile qu'une thérapie durant laquelle elle s'effondrerait en larmes comme une âme en peine- la pauvre nana par excellence qui s'était faite avoir par les airs de preux chevalier d'un mec qui n'avait fait que se foutre de sa gueule. Ce soir, c'était elle qui se foutait de la gueule des autres ; elle qui menait la danse. La blonde s'était pointée au milieu de ce groupe de mecs comme s'ils étaient des vieux amis : avec sa personnalité si joviale, son air si ouvert et offert en pâture, ils n'avaient pas refusé sa présence. Ils s'étaient même pris au jeu. Et maintenant, il semblait que le défi était de faire boire Stella le plus possible- elle, elle rétorquait avec des piques mordantes, des challenges débiles qui animaient sa soirée. Elle avait bien besoin de folâtrer, hein, d'oublier son chagrin, lourd sur ses épaules comme une cape de fourrure qui la ferait suffoquer. A l'alcool, elle avait mélangé quelques bouffées de nicotine, tirées en compagnie de certains de ces types- ils devaient en attendre, des choses d'elle, pour la supporter de la sorte : ils devaient se dire qu'ivre, elle serait ouverte à plus de choses, qu'ils pourraient au moins finir la soirée avec une fellation pour se détendre. Mais c'n'était pas dans les intentions de la blonde, ce soir- ils n'étaient que l'entrée avant le plat de résistance : ce soir, elle attendait quelqu'un. Et Ohana se faisait désirer, un peu comme la starlette qu'elle était. Faute d'être très patiente, alors, ce soir, Stella jonglait entre des choix hétéroclites de boissons alcoolisées, jetant des coups d’œil réguliers vers l'entrée du bar, espérant à tout moment voir le visage familier de son amie arriver pour la sauver. Parce qu'elle s'ennuyait, au fond- elle s'ennuyait souvent, insatiable en ce moment, en quête d'attention, d'affections, de quelque-chose qui pourrait rendre la brusque absence de Loevan, un tant soit peu moins douloureuse. C'était stupide vraiment, la façon dont elle avait besoin de s'adapter, comme si elle était en détox : un jour, peut-être qu'elle pourrait s'dire que comme la drogue, le brun avait été néfaste pour elle. Et alors elle l'enterrerait le plus profondément dans sa mémoire, tout comme il l'avait sans doute déjà fait, avec elle. Une utopie qu'elle n'avait pas encore atteint, et qui semblait encore loin, loin, loin. Tout c'qu'elle pouvait faire, aujourd'hui, Stella, c'était osciller dans ce monde hybride entre joie et tristesse, à jouer de masques d'apparat et à faire comme si tout allait bien – tous étaient si habitués à cette boule d'énergie brillant de mille feux, que personne n'lui posait de question. Personne ici pour l'instant, ne s'préoccupait du fait qu'elle ait cet air cynique, presque condescendant sur le visage : elle était si facilement mielleuse, avant de tout à coup claquer comme un élastique, lâchant une réplique cinglante, presque cruelle. Y'avait une part d'elle, particulièrement rancunière, que c'était  l'traitement que tous les mecs méritaient.

Parce que la tristesse, c'était finalement bien trop chronophage : dans les premiers temps, la Morand n'avait même pas vu le temps défiler – elle avait parfois passé de longues heures à jeûner et à ignorer le monde. Même ses meilleures amies. Enroulée dans sa boule de peine, elle n'avait pensé à rien d'autre. Comme si son cœur n'était rien d'autre qu'un despote dictant sa vie, ses actions, ses choix : elle n'voulait plus de ça. La nuit tombée, parce que dans la semi-obscurité d'un endroit bondé, on n'se préoccupait de rien, Stella faisait encore l'effort de se métamorphoser en reine des attentions. Mine de rien, ça faisait du bien à l'ego de savoir que même au trente-sixième dessous, on pouvait encore plaire à quelques personnes. Elle soupira, après avoir inspecté pour la cinquantième fois son téléphone : Ohana n'avait pas donné signe de vie, ni pour annuler, ni pour dire qu'elle était arrivée. Loevan non plus, n'avait pas donné signe de vie. Pourquoi est-ce qu'elle y pensait ? Pourquoi est-c'qu'elle espérait, contre sa raison, contre sa volonté, hein ? Au moins, son stalker creepy semblait faire sa vie de son côté, lui aussi – ou du moins, préférer un autre moyen que de lui envoyer une foule de messages. Mais ça, c'était une autre histoire. Le songe la fit presque frissonner, même là – et instinctivement, Stella ne put s'empêcher de jeter un coup d’œil dans la salle, partout autour d'elle. Oublier, ouais, c'était tout c'qu'elle voulait. Pour tellement de raisons, que c'en était l'drame de sa vie. Elle n'était qu'à moitié soulagée, quand deux mains se posèrent sur ses épaules, comme ça, sans crier gare : Stella en bondit presque, avant de reconnaître la voix de O', susurrée à son oreille. Enfin ! Dans toute son arrogance, Stella avait commencé à se lasser de sa compagnie, jusque-là ; et en se retournant sur elle-même, elle ne manqua pas de rendre ce sentiment plus explicite, sautillant sur place avant d'enlacer son amie. « J'avais commencé à croire qu'tu m'avais abandonnée... » qu'elle leva les yeux au ciel dans un rictus- si seulement elle pouvait plaisanter sur ça ; mais Stella en c'moment, c'était comme si elle était redevenue une gamine, vivant mal le divorce de ses parents. S'faire rejeter, ignorer, larguer- c'était trop pour elle ces derniers temps. Avec ses quelques verres d'avance, déjà, Stella était l'amie pot de colle par excellence, tactile, accrochée à la brune alors qu'elle lui faisait signe de venir à ses côtés. « Babe, j'espère que t'as de l'énergie ce soir, parce que j'ai pas envie de dormir ! » si elles n's'endormaient pas, pas besoin de se réveiller avec la gueule de bois, hein ? Une logique d'un certain genre – Stella, c'qu'elle détestait le plus, c'était à quel point le sentiment de solitude pouvait être plus pesant que jamais, quand on se réveillait seul, vraiment seul, avec rien d'autre que le silence comme compagnie. Pour ce soir, alors, elle voulait du bruit, elle voulait du fun- assez pour déjà glisser un verre en direction d'Ohana : qu'elle boive, qu'elles boivent toutes les deux, et oublient le reste.