Gabin MORNINGSTAR | Run away, they say. No one will love you as.

Gabin, à sa naissance, c’était un beau bébé. Selon les sages-femmes, c’était même le plus beau bébé de la maternité. L’un des plus chanceux aussi, il était né dans une famille aimante, avec un père et une mère qui étaient déjà fou de lui. Fou de ses yeux et fou de son visage d’ange. Rien ne prédisait alors, la trajectoire de vie qu’il allait emprunter. Ses parents l’imaginaient déjà comme un médecin, diplômé d’une grande université et père d’une grande famille. Ils n’ont pas attendu très longtemps avant de se rendre compte que les études n’étaient pas faite pour leur fils aîné.

Mais contrairement à toute attente, Louise et James Morningstar n’ont jamais été déçus de leur fils. Quand bien même à l’école les enseignantes se plaignait de son comportement ingérable, ils voyaient toujours en leur fils, un potentiel que personne ne voyait autre part. S’il n’était pas bon en maths, ils lui trouvaient de bonnes capacités en langues et s’il était nul dans une activité, ils compensaient avec une autre. Ils ne l’ont jamais laissé tombés et ont toujours cherché à canaliser cette incroyable énergie qu’il dégageait. “C’est pas sa faute, au gamin.” Disait son père aux enseignantes. “C’est votre système qui est pas assez bien adapté pour lui. Il a besoin de se défouler. Il est doué mon fils, c’est juste vous qui ne le voyait pas.” Jamais, Gabin ne pourrait assez remercier ses parents pour tout le soutien qu’ils lui ont donné. Louise et James avaient tout de suite compris que leur fils, n’était pas comme tous les autres garçons de son âge.
Dans la cours de récré, il n'avait pas beaucoup de copains. Au ballon, il s’énervait dès qu’on ne voulait pas lui passer la balle et… on ne la lui passait jamais. Comme il était jamais concentré en classe, ses camarades le prenaient pour un débile et se foutait de sa gueule dès qu’il le pouvait : “bon a rien”, “débile” et tout insulte visant à rabaisser l’enfant qu’il était. Au début, Gabin, il ne disait rien. Et un jour, il a frappé un de ses camarades au visage. Ce n'était pas forcément une bonne idée. Ensuite, ils ont eu peur de lui. Au moins, ils ne se sont plus jamais moqués. Ses parents lui avaient tiré les oreilles ce jour-là. “Ca ne sert à rien de se battre mon garçon, la violence n’a jamais rien résolu.” Avait répété sa mère. “Alors promets-moi que tu ne recommenceras pas.” Sa mère, il ne voulait pas la décevoir. “Je te le promet maman.” Et encore aujourd’hui, il évite le plus possible la violence physique envers les autres. “Moi j’ai pas peur de toi.” Sa petite voisine, Ruth plus petite que lui, déjà à l’époque que ce soit en âge ou en taille. “Je sais que tu l’as tapé parce qu’ils se moquaient de toi.” Dès la primaire, elle avait été la seule à essayer de le comprendre, à essayer de savoir pourquoi il se comportait comme ça. Elle était devenue sa petite protégée, il avait trois missions dans sa vie : protéger ses parents, protéger sa sœur et protéger sa petite voisine.

15 AVRIL 2015 -
“Putain, Em’, t’es magnifique.” Gabin, il a des étoiles dans les yeux en regardant sa petite sœur dans sa robe blanche. Elle rayonne de bonheur et de beauté. C’est son rayon de soleil, sa lumière dans l’obscurité. Emma, c’était celle qui avait hérité du bon : belle, intelligente, rigolote et profondément gentille. Même si Gabin n’a jamais cru à ses histoires de pureté, une chose est sûre pour lui : sa sœur était un ange et il l’aimait plus que tout. Il se souvient encore que tout petit, quand sa mère avait ramené Emma à la maison, il lui avait promis qu’il la protégerait contre tous les malheurs du monde, qu’il ne la laisserait jamais être malheureuse.
Il l’attrape par les hanches pour la serrer contre lui, très fort. Et il sent qu’elle renifle le col de sa chemise, sans doute histoire de savoir s'il a fumé récemment. C’est le jour de son mariage, et pour aujourd’hui, Gabin a promis de limiter la clope et de ne pas toucher une goutte d’alcool. Il avait dû négocier pour avoir le droit de se griller une clope ou deux. “Merci, Gab. J’espère qu’un jour, c’est moi qui viendrais te voir pendant que tu porteras un beau costume de mariage.” Il ne peut pas s’empêcher de rigoler, pendant que sa sœur, elle, est sérieuse, la joue posée contre son torse. “Je ne rigole pas ! Et en plus les costumes ça te va super bien !” Il écrase un baiser sur son front et il la recule légèrement pour la regarder dans les yeux. C’est fou ce que des yeux bleus peuvent être si profond, il en est surpris chaque fois qu’il regarde Emma dans les yeux. “Em, le mariage c’est pas pour moi et tu le sais. J'suis pas du genre à me marier et encore moins du genre à me caser.” Elle secoue la tête et vient lui pincer la joue, comme on pince la joue à un enfant qui vient de faire une bêtise. “Arrête ça, Gabin. On sait tous les deux que t’es un type bien, t’aimes juste que les autres te voient comme un méchant garçon. Mais moi, je sais qui tu es.” Elle finit par lâcher sa joue pendant qu’il fait la grimace. “Quand est-ce que tu arrêtes toutes ces conneries ?” Il hausse les épaules. C’est vrai que des fois, il envisage de se remettre dans le bon chemin, mais ça ne dure jamais bien longtemps. Il sait très bien que hors-mis sa famille et peut-être la voisine, personne ne voit en lui quelqu’un capable de réussir.

24 DÉCEMBRE 2018 -
C’est le réveillon de Noël. Mais pas un réveillon de Noël comme les autres, pourtant, il aurait dû l’être. La table est tristement silencieuse. Ils devaient être six, mais ils ne sont que cinq tentant de retenir des larmes salées autour d’un repas trop copieux pour leurs âmes en peine. Gabin enchaîne verres après verres. Baptiste, son beau-frère, n’arrive pas à lever les yeux de son assiette tandis que Lucie ne fait que pleurer dans son siège réclamant sa mère. Louis et James, eux, ne font que pleurer l’enfant perdu. Emma est morte. Deux jours qu’Emma a été déclarée morte à l’hôpital à cause d’un foutu cancer.
Gabin se sent mal, il se sent détruit. On vient de lui arracher sa parcelle de lumière. Il a la sensation qu’une main de fer tient son carrefour vital et le compresse pour l’empêcher de battre correctement. L’alcool n’apaise rien, il ressent toujours ce poids qui l’assaille, ce manque. Il est en colère. Pourquoi elle ? En l’espace de quelques semaines, Emma s’était retrouvée à l’hôpital pour une tumeur au cerveau et elle les avait quitté bien trop précipitamment. Ils ont à peine eu le temps de lui dire au revoir. Il n’arrive pas à comprendre. Il méritait de mourir, pas elle. Il bousille sa santé avec des clopes et son alcool à deux dollars, alors qu’elle faisait attention à bien manger, qu’elle prenait soin d’elle et surtout, alors qu’elle venait d’avoir une petite fille. Comment la vie pouvait être si cruel pour arracher un ange à cette terre, son ange, et surtout la mère d’une gamine d’1 an.

Après ce repas, comme tous les soirs, Gabin, il rejoindrait son appartement miteux. Il est pas très grand et il y a des bouteilles qui jonchent le sol, mais il n'a pas envie de ranger. Il a plus envie de rien. Il s’installerait dans son vieux fauteuil en ruine avec son petit whisky à la main, les lumières de son appartement éteintes à regarder les néons de la boîte de nuit d’en face briller, une clope dans sa main libre. En temps normal, il ne chercherait pas forcément à se retourner la tête. Mais depuis que sa sœur n’est plus là, il n’a qu’une envie, c’est oublier pendant quelques heures la douleur qui l’habite. Bien sûr, elle ne disparaît pas vraiment, mais il oublie que pendant ces heures sombres, il n’a fait que penser à elle. Il oublie qu’il n’arrête pas de se sentir coupable de ne pas avoir réussi à la protéger.
Gabin il est tombé au fond du trou.