SILE LYON - nuit éteinte.

pagaille digne des lyon ; gamins courant dans tous les sens, hurlant à pleins poumons et détruisant la propriété familiale. une mère, épuisée, qui court après ses cinq morveux, désespérée d’être écoutée. toutes sortes de jeux viennent égayer leurs après-midis pluvieuses comme ensoleillées et aujourd’hui n’y manque pas. les voisins les dévisagent en passant, pleurant leur mauvaise éducation et roulant des yeux face à l’attitude des jeunes enfants. les lyon se remarquent à leur arrivée ; on les entend à des kilomètres alentours. ils laissent, derrière eux, un bordel sans nom. le jardin, tout comme l’intérieur de la demeure, est peuplé de jouets en tout genre qui ont été démontés, remontés, cassés et délaissés. à côté de la bande joyeuse, il y a sile, sous son arbre, allongé dans l’herbe, amorphe. il scrute le ciel bleu et attend que la lune vienne intimer au soleil d’aller se coucher. il compte les heures et les notent sur son petit carnet. à midi, le soleil est à son apogée. il regarde et apprend à se répertorier selon les humeurs du cycle terrestre. son moment préféré reste, néanmoins, la nuit où son regard peut se perdre dans l’obscurité seulement éclaircie par les étoiles. sile peut, alors, sortir son télescope pour enfant et observer la grandeur de la galaxie du point insignifiant où il se trouve. c’est un passe-temps que ses aînés ne saisissent pas. sile, c’est l’enfant étrange, mais le plus calme d’entre eux. parfois, il disparaît. le jour comme la nuit. on l’oublie, souvent, car il parle peu. il regarde juste. lorsque maman se perd dans la tumulte des aînés, elle n’a de temps que pour le cadet qu’une fois qu’elle les as couché et c’est à ce moment qu’elle se rend compte qu’il en manque un. sile s’égare généralement dans les rues dublinoises, mais il a appris à rentrer avant l’heure du coucher dû à un malheureux accident où la police a été appelée. son père ne dit rien. il sourit, simplement et reconnaît, en son fils, l’aventurier qu’il a été. il a même partagé, doucement, à sile, quelques endroits qu’il avait lui-même repéré et ils y sont allés, ensemble. papa est silencieux, comme sile. il observe, mais ne manque pas d’affection. il est simplement pas aussi doué que maman pour les mots. sile ne change pas ses habitudes en cette fin d’après-midi. il se lève, son petit carnet à la main et se prépare à parcourir les alentours. pour la première fois, il est retenu par un de ses aînés. « où tu vas ? » pas seulement ce soir. la question implique une généralité, car au fond, personne ne sait vraiment où il va. sile hausse simplement les épaules face aux yeux curieux qui le scrutent et se retourne pour partir. « loin. » lui même, il ne sait pas vraiment où il va.  

avec andrea, sile a appris à aimer les petits plaisirs. il se contente, souvent, de simplement la regarder alors qu’il désire un baiser, une caresse. il a appris qu’entre le rêve et la réalité, il y a une frontière, bien réelle, vivante et qu’elle les séparent tous les deux. il apprend à se suffire de ce qu’ils ont, malgré l’envie d’avoir plus. il profite de leurs instants, à deux, à eux. quelques fois, il l’invite à découvrir ses coins secrets. après tout, elle est sa meilleure amie ; la seule à le connaître entièrement tout en manquant la part la plus importante. il l’aime, d’un amour qui le dévore depuis bien trop longtemps et chaque jour, plus encore. il l’aime silencieusement, car il ne sait aimer qu’ainsi. elle ne le remarque pas et quelques fois, son coeur le fait souffrir tant il aimerait hurler. à la place, il regarde, il observe et se tait. il l’écoute et sourit tout en détaillant son visage de ses prunelles vertes admiratrices devant son éclat. il suit du regard une mèche du cheveu qui s’égare et qu’elle replace, ensuite, sans y prêter plus d’attention, derrière son oreille. elle parle et il écoute attentivement tout en laissant son regard se perdre dans ses traits. sile apprécie ces nuits étoilées où il l’emmène et où ils s’allongent dans l’herbe fraîche. parfois leurs mains se lient, mais ce sont des gestes platoniques qui ont forgé une amitié âgée. une amitié, ni plus ni moins, aussi douloureux soit-il de l’admettre quand son coeur bat à tout rompre dans sa poitrine. ils sont amis depuis longtemps (trop longtemps). il l’a vu, pour la première fois, alors qu’il n’était pas plus haut que trois pommes. il l’a aimé, pour la première fois, alors qu’il n’avait pas l’âge de savoir le faire. jamais, sile ne l’a quitté depuis ce jour-là. ainsi, il est devenu celui qui était toujours à ses côtés sans jamais être tout à fait remarqué. il est l’autre présent, mais effacé. le meilleur ami, un titre glorieux mais qui sonne comme une défaite. les inséparables, c’est leur nom. pourtant, sile a toujours l’impression qu’elle finit par partir, par l’abandonner pour un autre. « je t’aime. » qu’il murmure, dans le vent, à la nuit tombée tout en sachant qu’il n’en entendra jamais l’écho. personne ne l’entend, comme à l’habitude et surtout, pas elle. alors, amer, il laisse son regard se perdre dans les abysses étoilées.