« J'en ai marre ! Tout ça, c'est finit ! » Les yeux humides, tu essuies les dernières larmes qui perlent sur tes joues. Tu te lèves de ton lit et te diriges vers ton miroir de chambre.
« C'est fini d'avoir l'air misérable. » Tu regardes la grosse substance rose collante dans tes cheveux, une gracieuseté d'une des garces de ton école primaire. Cette dernière s'est toujours chargée de faire de ta vie un enfer. Maintenant que le secondaire allait commencer dans quelques jours, il fallait qu'elle te fasse comprendre que ça allait continuer là-bas aussi. Elle l'avait fait en te mettant sa gomme dans tes cheveux. Elle avait osé te dire qu'il fallait commencer la nouvelle année scolaire avec une nouvelle tête.
Tu touches à la fameuse gomme et pars te chercher une paire de ciseaux. Lorsque tu reviens devant le miroir, tu prends une bonne respiration. Tu coupes là où la gomme est logée. Tu as l'air de n'importe quoi. Tu fronces les sourcils.
« Elle va le regretter ! » Tu reprends tes ciseaux et coupes à nouveau. Des mèches de cheveux tombent à tour de rôle. Tu arrives à obtenir un assez bon résultat.
« Elle va voir que Zoé Larose a des épines. » C'est à partir de ce moment que tu décides de t'investir complètement dans un nouveau personnage. Un personnage qui pour une fois n'était pas pour la pièce de théâtre scolaire et qui allait durer très longtemps.
« Il vaut mieux manger que de se faire manger. » Ce fut par des livres, des séries télévisés que tu créas la grande Zoé, celle qui n'a peur de rien ni personne... Celle qui fait peur aux gens.
Le grand jour arrive, enfin. Tu as teint tes cheveux en blond la veille et les as stylisé. Ta
coupe et ton maquillage sont parfaits pour montrer le changement entre la proie que tu étais et la chasseuse que tu es. Comme de fait, tu débutes ton année en te faisant remarqué autant par ton look que par tes gestes. Rapidement, tu attires le regard d'une clique de "méchantes" filles. Elles te font passer ton initiation. Ridiculisez la victime de leur choix. Tu le fais sans problème. Peut-être un peu au départ - tu n'es pas encore complètement en harmonie avec la grande Zoé -, mais tu dois assumer ton personnage. C'est elle qui va te protéger.
Tout ton secondaire se passe ainsi. Bien entendu, tu montes les échelons d'année en année. Tu es même leader du petit groupe à ta dernière année.
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Un crie perçant sort de toi.
« J'y suis ! Je n'y crois pas ! J'y suis ! Je suis acceptée en mode au cégep Marie-Victorin ! » Tu avais appliqué à plusieurs cégeps, mais le collège ayant le meilleur programme en mode est celui-ci. Tu es l'une des filles les plus heureuse du monde à cette instant précise. Cependant, la réalité te reviens de plein fouet.
« Ma garde-robe. Je ne peux pas porter ses vêtements. Il m'en faut des meilleurs. On ne peut pas aller en mode en portant n'importe quoi. » C'est bien beau d'en vouloir de nouveaux, mais ton porte-monnaie ne te le permet aucunement. Puis, tu peux oublier de demander de l'aide à tes parents. Ils vous ont fait vivre dans la pauvreté, toi, tes frères et tes soeurs. Tu te mets à chercher des idées. Mais rien ne te vient. Tu es un peu anéantie voyant la rentrée arrivée. C'est en regardant
Gossip Girl avec un pot de crème glacée à la pistache que ça te vient.
« Mais oui ! Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ! » Tu abandonnes tout et part magasiner. Ta carte de crédit en main. Tu achètes quelques vêtements. Tu gardes précieusement l'étiquette des prix de chacun. Eh, oui, une fois utilisé, tu allais les rendre avant l'échéance. C'est le plan parfait.
Ce plan marche pendant tes trois ans de formation. Bien entendu, la plupart des gens et de tes amis te croient très riche. C'est pour cela qu'ils ne comprennent jamais pourquoi ils peuvent te voir travailler dans un café.
« Vous savez mes parents m'ont toujours dit que je devais explorer complètement la vie. Idiot, je sais ! Mais je n'ai pas le goût qu'ils me coupent mon allocation » Petite menteuse, va. À quel point dois-tu te protéger pour avoir la vie de quelqu'un d'autre ? Puis, lorsque tu revenais d'un rendez-vous galant avec quelqu'un, tu lui demandais toujours de te déposer dans un quartier résidentiel luxueux. Tu faisais semblant d'aller vers l'une maison jusqu'à ce que le garçon parte. Après, tu prenais ta voiture que tu avais stationné à quelques rues de là et retournais dans ton petit appartement.
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Ton diplôme en mode en main, tu réfléchis.
« J'ai vingt-deux ans. Ai-je envie de faire que ça ? » Certes, tu adores la mode, mais tu veux plus. Tu es plus qu'une personne créative. Tu es quelqu'un qui aime se plonger dans des univers différents et...
« Incarner des gens différents » Ça, ça te manque. Tu décides, donc, de faire une petite recherche sur la meilleure école en art dramatique. Tu tombes sur le programme d'UQAM. Sans hésiter, tu envoies ton formulaire d'inscription. C'est quelques jours plus tard que tu reçois la réponse. Elle est positive.
« Travailler fort est toujours aussi payant. Bon... Ça ne remplie pas mon compte bancaire, mais ça va finir par payer. »Être à l'université est difficile. Tu ne t'en caches pas. Tu n'as presque jamais d'argent et tes nuits sont de très courte durée, voir inexistante. Malgré les obstacles, tu continues de te battre sans demander de l'aide à qui que ce soit. Non, même pas à ta sœur blindé de fric.